Les chatouilles
Andréa Bescond n’est pas la première à parler au cinéma les agressions sexuelles qu’elle a subies enfant. Mais, elle est la seule à le faire ainsi : en prenant le sujet à bras le corps et en racontant comment elle a sauvé sa peau par la danse. Les chatouilles est un film éblouissant!
La résilience est un sport de combat
Le film débute par une scène de danse heurtée, brutale qu’interprète une jeune femme seule. Difficile, au premier abord, de savoir ce qu’exprime cette danse-là, même si on y sent déjà une souffrance retenue. La suite du film, conçu en flashback, en fournira l’explication. C’est Odette, adulte qui danse, mais c’est la souffrance d’Odette enfant qu’exprime ces mouvements rudes.
Et en souffrances rentrées, Odette s’y connaît. Elle a à peine 8 ans quand un ami de la famille abuse d’elle. Régulièrement. L’homme est pourtant parfait à tout égards. Il est riche, marié, père de famille. Un modèle absolu pour Mado, la mère d’Odette (Karin Viard) qui considère comme une chance inouïe de l’avoir dans son entourage.
Le corps soigné par la danse
Odette ne peut ni protester, ni se rebeller. Elle encaisse… Mais, le poids de ces secrets, de ces abus devient insupportable quand, devenue adulte, elle peine à se structurer et s’essaie à tout un tas d’excès.
Un jour, pourtant, à sa façon, elle pousse la porte d’un psy. Elle déballe ses années de souffrance, de violences qu’elle s’est ensuite adressée à elle-même et la communication impossible avec sa mère. Et puis, cette façon qu’elle a d’exprimer par la danse, par son corps, ce qu’il a subi quand elle était enfant. Comme une expulsion.
Les Chatouilles, l’anti déni
Les Chatouilles n’est pas un film aimable mais c’est un film nécessaire, indispensable. Pour Odette/ Andréa Bescond mais aussi pour les autres victimes, témoins ou simples spectateurs. Et son traitement est percutant.
Tout est dit. Et si rien n’est montré, rien n’est dénié. On fait connaissance d’Odette, enfant sage, sensible qui aime dessiner et danser. De ses parents aussi, sa mère ambitieuse et décomplexée qui bouscule un père plus à l’écoute mais sous la coupe de sa femme. D’eux qui n’ont rien vu ou n’ont rien voulu voir, fascinés par la puissance de leur ami formidable.
Le chemin vers la résilience
Andréa Bescond parle aussi très bien de l’après. De sa vie sauvée par la danse, pas classique mais moderne. Par ses tournées avec des comédies musicales où elle exulte de tout son soul tout en consommant la vie par tous les bouts. Ses échecs sentimentaux auront raison de sa mémoire et l’aideront à se reprendre sa vie, son avenir en main.
Jusqu’au bout, son parcours sera semé d’embûches. Elle trouvera pourtant la force de porter plainte, quitte à sacrifier la relation avec sa mère pour cela. Il en va de sa survie et de son intégrité. Et c’est un autre des atouts de ce film, de montrer que la résilience ne soigne pas tout, ne gomme rien et ne fait pas l’unanimité, mais qu’elle sauve, pourtant.
Corps à corps
Les Chatouilles est un film sur le corps. De longues et virtuoses séquences de danse l’habitent. Mais, le corps n’est rien sans l’esprit. Et c’est ce qu’Andréa Becond/ Odette va finir par apprendre. Les chatouilles est aussi une quête vers un meilleur. Un film dopé à l’énergie folle de la vraie Andréa et à sa volonté d’en découdre.
Les acteurs sont tous formidables. Karin Viard est impressionnante dans cette mère refusant l’évidence, le débat, la réalité. Clovis Cornillac joue avec tact ce père perclus de remords. Pierre Deladonchamps (Gilbert) donne le change, courageusement même s’il a le mauvais rôle. Tandis que l’énergie créatrice et brutale d’Andréa Bescond remplit l’écran. L’ensemble est percutant, pertinent, éblouissant. Allez-y!
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