En abandonnant leur nom d’origine, les prix Sopadin, les Prix du scénario ont aussi perdu la vision de la moitié de l’humanité. Quelle honte !
Le scénario, ce ghetto masculin
Sur les 12 projets finalistes présentés, 11 sont écrits exclusivement par des hommes. Et comme ils écrivent parfois à deux, ils sont 16 à postuler aux bourses offertes. Leur montant doté par la Fondation David Hadida n’a d’ailleurs pas été dévoilé. En face, deux jeunes femmes coincées dans la catégorie junior.
Selon Marion Delord, la directrice générale d’Hildegarde, qui vient de racheter les ex-prix Sopadin, 75% des projets déposés étaient écrits par des hommes. Soit. Et c’est un comité exclusivement féminin (sic) qui aurait fait cette pré-sélection finale. En effet, il est composé des comédiennes et scénaristes Sabine Beaufils, Aurélia Dausse, la sociologue Léonor Graser, la productrice Nicole Ruellé et la scénariste et réalisatrice Léa Todorov.
Marion Delord reconnait que chez les juniors, les scénaristes de moins de 28 ans, près des deux tiers des projets soumis étaient écrits par des femmes. Ce qu’elle a conclu par un : la relève est là ! (on pouffe, comme si les femmes scénaristes n’existaient pas avant!). Le compte n’y pourtant pas plus : sur les trois dossiers finalistes, deux sont portés par des duos d’hommes.
Les 32e Prix du Scénario : peut mieux faire!
La directrice d’Hildegarde avoue avoir été interpellée par un tel déséquilibre (encore heureux!). Du coup, elle a annoncé que les règles changeront pour la prochaine édition : les projets déposés seront anonymes jusqu’aux auditions. Est-ce que ce sera suffisant? Sans doute pas ! Les projets retenus sont tellement stéréotypés – du fantastique, de l’animation japonaise, des histoires de soldats – que c’est plutôt le comité de lecture qu’il faudrait virer complètement ! À moins de l’envoyer illico en formation intensive aux représentations et aux stéréotypes de genre !
Un jour prochain, ceux qui fabriquent le cinéma devront bien intégrer une donnée irréfutable. On ne fait pas du cinéma pour soi, et le public le plus curieux ( voir la dernière étude Médiamétrie) est féminin. Et il faudra bien lui offrir ce qui l’intéresse pour le garder dans les salles !
Les deux pauvres représentantes, Solenn Le Priol et Saskia Waledich pour Nous ne marcherons plus jamais seuls, n’ont été que finalistes. Pas de prix pour elles donc, remis par un jury, lui non plus pas paritaire. Il était composé par sept hommes et quatre femmes, et présidé par le réalisateur Jean-Paul Salomé. Il a fait la part belle au cinéma de genre qui, traditionnellement, élimine encore les femmes scénaristes ou réalisatrices.
Le palmarès 2019
Sont donc primés :
- une histoire de loup garou : Teddy de Ludovic et Zoran Boukherma, révélé par leur film Willy 1er (prix junior)
- les confessions d’un assassin d’enfant : Bruno Reidal de Vincent Le Port, prix spécial
- une animation sur le Japon, post-tsunami : Saules aveugles, femme endormie de Pierre Földes, grand prix.
Un think tank dédié au scénario européen
Une annonce plus originale a précédé cette remise des prix du scénario, nouvelle génération. Le groupe Ouest, dont on ne vantera jamais assez la créativité, crée un think tank européen dédié au récit et au scénario. Y interviendront : la romancière Nancy Huston, l’auteur et réalisateur Atiq Rahimi, les scénaristes Matthieu Taponier, Pierre Hogson, Claire Barré et Antoine Le Bos, qui revendiquent tous une expérience internationale.
Cette structure de réflexion sera gratuite et bientôt accessible à tous sur le net. Sa finalité est de contrer la puissance industrielle des scripts américains à qui l’on reproche de trop caricaturer ou stéréotyper ses histoires et personnages. Comme quoi…