Avec L’effet aquatique, Solveig Anspach signe un film posthume mais qui est une véritable ode à l’amour et donc à la vie.
Histoires d’eau
Depuis Haut les cœurs ! en 1999 avec Karin Viard, où elle révélait son cancer, Solveig Anspach n’a jamais fait mystère de ses graves problèmes de santé. Elle est décédée en août 2015 alors qu’elle achevait l’Effet aquatique. Elle fait d’ailleurs une brève apparition, en tant que directrice de la piscine de Montreuil, ville à laquelle sa filmographie rend souvent hommage (et où elle habitait).
Pour Solveig Anspach, rire ou sourire était vraiment la politesse du désespoir. Elle finit ainsi toute en légèreté avec une comédie romantique entre la France et l’Islande, deux pays de ses trois pays (elle est à moitié américaine), et de l’eau, beaucoup d’eau.
L’effet aquatique : en eaux troubles
Un soir, Samir assiste à un « râteau ». Immédiatement, il tombe amoureux de la femme qui a planté le dragueur, sans sommation. Il apprend qu’elle est maître-nageur à la piscine Maurice Thorez de Montreuil. Du coup, il s’inscrit pour apprendre à nager.
Tentant une approche à tâtons de sa belle, il va devoir user de nombreux stratagèmes pour se rapprocher de celle qu’il aime. Il faut dire qu’elle est un peu revêche et ne se lasse pas de le mettre à l’épreuve.
Drague à la piscine
La première demie-heure du film est savoureuse. Dans un humour qui mêle les situations cocasses, absurdes et le burlesque, la relation qui se noue difficilement entre une petite femme pète-sec et ce grand échalas énamouré donne vraiment matière à rire.
Pris en étau entre son amour pour Agathe et un monde – celui d’une piscine municipale – dont il découvre les codes, Samir est aussi attendrissant que maladroit et drôle.
L’effet aquatique : une certaine dilution
Le film prend une autre tournure quand il fuit en Islande où se déroule le congrès annuel des maîtres-nageurs. Moins burlesque, le scénario adopte alors un nouveau rythme, plus lent et en même temps plus absurde.
Au pays des sources d’eau chaudes, les situations deviennent inextricables. Agathe va enfin percevoir la sincérité des sentiments de Samir. Il en faudra pourtant des détours, des fausses pistes, des personnages secondaires pour qu’elle ouvre les yeux. Ce qui a pour effet de diluer l’élan sur lequel s’était construit jusqu’à présent le film.
Une cinéaste des femmes
Avec ses huit longs métrages, Solveig Anspach a construit une oeuvre bien à elle. Elle y traite à sa manière, souvent avec un humour très personnel, de problèmes graves et souvent féminins : le cancer du sein, la maternité, le veuvage, la folie ou la fuite et l’envie de liberté dans Lulu femme nue, son avant-dernier film.
Sa singularité, elle l’a beaucoup construit autour de sa fidélité : à ces racines, à l’Islande et à Montreuil, sa ville. A ses équipes aussi et notamment à Jean-Luc Gaget, le co-scénariste de cinq de ses films et qui a beaucoup travaillé à finir celui-ci. A ses acteurs, enfin : Florence Loiret-Caille, Karin Viard, Samir Guesmi, Didda Jonsdottir, Julien Cottereau ou Philippe Rebbot.
A travers ses nombreux documentaires et ses fictions, dont Louise Michel, la rebelle, son parcours démontre un intérêt vrai et fort aux figures de femmes. Des femmes fortes ou acculées, voleuses, lassées… Un intérêt qu’elle synthétise en faisant dire à un de ses personnages de L’effet aquatique, telle la devise qui a nourri son énergie créative : « Un petit homme peut faire de grandes choses… surtout si c’est une femme! »
De Solveig Anspach avec la collaboration de Jean-Luc Gaget, Florence Loiret-Caille, Samir Guesmi, Didda Jonsdottir, Philippe Rebbot
2015 – France/Islande – 1h23
L’effet aquatique de Solveig Anspach a reçu le prix SACD 2016 à la Quinzaine des réalisateurs.
© Isabelle Razavet; Elsa Palito; Exnihilo-zikzak-filmworks ; Capucine HENRY