Complément au best-seller de l’économiste Thomas Piketty, le documentaire Le Capital au XXIème siècle revient sur la construction des inégalités depuis l’ère industrielle et explique comment mieux taxer le capital permettrait de les atténuer. C’est clair, utile et passionnant.
Construire un monde plus juste
En 2013, un livre d’économie de plus de 1000 pages est rapidement devenu un best-seller. Il reprenait habillement le titre d’un classique de la littérature économique en l’actualisant et le projetant aujourd’hui. Le Capital au XXIe siècle de Thomas Piketty a été vendu à plus de 2,5 millions d’exemplaires.
L’adapter et le compléter en film, accessible à tous, semblait une évidence. C’est un réalisateur néo-zéalandais Justin Pemberton qui en eu l’idée. Son documentaire a participé à la réouverture des salles de cinéma le 22 juin 2020. Après avoir été confiné pendant plus de trois mois…
Une thèse politique
Pour ceux qui le suivent, la thèse de Thomas Piketty est connue. Il prône un meilleur contrôle du capital pour favoriser une plus juste répartition de la richesse au sein de la société. Et une plus forte taxation des riches qui concentrent tous les pouvoirs (financiers, patrimoniaux et politiques) sans suffisamment participer à l’économie commune et réelle.
Rentiers pour la plupart – puisque la seule rémunération de leurs acquis est largement plus rentable que la prise de risques dans la production par exemple-, les 1% les plus riches contribuent trop peu au bien commun tout en en profitant. Par exemple, en organisant l’évasion fiscale… Ce faisant, ils créent une paupérisation des 99% restants – en particulier des classes moyennes-, sans offrir l’espoir de mobilité sociale suffisante. Ils mettent ainsi en danger les démocraties. Les taxer a donc bien une portée politique.
Une analyse et un problème mondiaux
Si ce documentaire a bien pour origine la thèse plutôt sociale de Piketty, il ne se limite pas à lui. Il fait intervenir plusieurs experts d’origine diverse qui démontent le système libéral actuel en en montrant les effets pervers et les risques pour tous. Des chiffres percutants appuient leurs discours. 85% du capital en circulation aujourd’hui ne sert qu’à la spéculation ! Ou par des exemples forts : la valeur de votre logement croitra beaucoup plus vite que celle de votre travail!
Le documentaire marque le point de départ à l’écroulement des économies communistes en 1989. Depuis, le capitalisme est devenu tout puissant. Même lorsqu’il est d’état comme en Chine. A un point tel – en seulement 30 ans!- que la situation actuelle serait comparable à celles des économies du XIXe siècle. C’est-à-dire concentrée dans une poignée de puissants. Cette répartition inégalitaire a, comme à l’époque, pour conséquence politique une montée des nationalismes dommageables aux démocraties.
Un documentaire citoyen
Et ce n’est sûrement la course vers plus de technologie qui se va se passer des êtres humains qui sera la solution. Bien au contraire. Bref, si l’objectif est une société harmonisée, il convient de réduire les inégalités. Et donc de contrôler ce capitalisme et de redistribuer de manière plus équilibrée, plus juste le capital.
Ce raisonnement semble limpide et évident. Il ne reflète pourtant ni les théories, ni surtout les politiques les plus populaires du moment. Regarder ce documentaire s’avère donc un exercice citoyen absolument nécessaire. D’autant que sa forme, basée sur un montage d’archives dynamique – bravo à la monteuse Sandie Bompar – mélange avec habileté des références à la popculture, des concepts de haut vol et des documents visuels (images d’actualité). Et c’est loin d’être évident de donner une contenance à uen donnée si volatile qu’est l’argent. Une réussite !
Documentaire de Justin Pemberton et Thomas Piketty, avec Thomas Piketty, Kate Williams, Joseph Stiglitz, Gabriel Zucman…
2019 – France/ Nouvelle-Zélande – 1h43
Les références à la popculture
Cinéma
- Chercheuses d’or de Mervyn LeRoy (1933)
- Le marquis de Saint Evremond de Jack Conway (1935)
- Le triomphe de la volonté de Leni Riefenstahl (1935)
- Les raisins de la colère de John Ford (1940)
- Organism d’Hilary Harris (1976)
- Koyaanisqati de Godfrey Reggio (1982)
- Utu redux de Geoff Murphy (1983)
- Wall street d’Oliver Stone (1987)
- Orgueil et préjugés de Joe Wright (2005)
- Home de Yann Arthus-Bertrand (2009)
- Les Misérables de Tom Hooper (2012)
- Elysium de Neill Blomkamp (2013)
- Et des épisodes de Les Simpson et Family Guy
Chansons
- Royals de Lorde
- How does it feel de Kamaiyah
- Don’t fence me in d’Ella Fitzgerald
- Think d’Aretha Franklin
- 9 to 5 de Dolly Parton
- Kids in America de Kim Wilde
- The morning de The Weeknd