L’amour ouf
L’amour ouf de Gilles Lellouche oscille entre l’ode à l’ultra-violence et celle à l’amour culcul, entre un clip de rap et un film de Claude (Lelouch). En lice pour la Palme d’or.
La belle et la brute
On le sait, enfin Gilles Lellouche nous le montre en près de 3h : sous un déchaînement de violence bat un petit cœur tendre. Clotaire (Malik Frikah) est un gamin ingérable et mal gérée. Son père le frappe, sa mère lui passe tout, sa famille est trop nombreuse pour lui apporter l’attention qu’il mérite. A 15 ans, il devient délinquant et traîne auprès du lycée dans lequel vient de débarquer Jacqueline (Mallory Wanecque). Il se moque d’elle, elle lui répond et c’est le coup de foudre !
Clotaire se retrouve dans un gang local où seule la violence règne. Il a du répondant. Mais quand un casse dérape, c’est lui qui casque. Pendant qu’il purge sa peine en prison, Jackie essaie de construire sa vie avec un autre. Mais elle a Clotaire dans la peau, comme lui à Jackie dans la sienne.
Gros bras, gros coeur
Gilles Lellouche est donc un grand romantique, un peu à la manière lourde de son homonyme Claude. Il raconte son histoire d’amour au bazooka, alternant quelques scènes romantiques – des baisers sur un coucher de soleil- avec des longues séquences d’ultra-violence. Évidemment dans une once de distance critique. Ça bastonne grave et dans tous les sens, dans une espèce de surenchère de virilité destructrice débile.
Face à cela, les femmes ont les rôles les plus stéréotypés qui soient : la mère est constamment attendri par les faits d’arme de son fils – c’est un bon garçon, dit-elle dans une de ses rares lignes de dialogue. Et l’amoureuse, une belle qui pardonne tout à son héros du moment qu’il lui propose une vie pleine de rebondissements.
Dans la famille Lel(l)ouch(e)
On a rarement vu une apologie de virilité et de clichés romantiques ainsi portés à son comble. Si le film fonctionne à peu près dans la partie où les amoureux sont adolescents – et les deux jeunes Mallory Wanecque, révélée dans Les Pires, Malik Frikah – sont plutôt bons et mignons- plus rien ne marche quand arrivent François Civil et Adèle Exarchopoulos qui jouent Clotaire et Jackie adultes. Ils n’y croient pas, nous non plus, et encore moins les autres acteurs faire-valoir interprétés par Vincent Lacoste (en compagnon jaloux) ou Alain Chabat en père d’accord sur tout ou à peu presque.
Les fans de Claude Lelouch trouveront peut-être en Gilles un de ses héritiers. Comme son aîné, Gilles n’a aucune finesse. Sa démonstration est d’une lourdeur impressionnante. Que dire des citations de Jean de Lafontaine qui tombent comme un cheveu sur la soupe ? Des courses main dans la main sur la plage ? De la complaisance à l’égard de la violence et la surenchère d’hémoglobine ? De la musique balancée à outrance ? Des incohérences de scénario – on est dans les années 1980 mais les téléphones commencent par 06 – ? L’amour ouf – rien que le titre est un indice de beauferie, même s’il est emprunté au livre de Neville Thompson dont le film est adapté – est un fatras cliché et indigeste.
De Gilles Lellouche avec Mallory Wanecque, Malik Frikah, Adèle Exarchopoulos, François Civil, Alain Chabat, Benoît Poelvoorde? Jean-Pascal Zadi, Elodie Bouchez, Karim Leklou, Raphaël Quenard…
2024 – France – 2h45
L’amour ouf de Gilles Lellouche est en compétition officielle du 77e Festival de Cannes et en lice pour la Palme d’Or. Sa sortie en salle est fixée au 16 octobre 2024.