La passion d’Augustine
Jusque dans les années 1950, au Québec, les filles s’émancipaient en musique et au couvent. C’est, du moins, ce que montre La passion d’Augustine de Léa Pool, un des rares films qui traite de cette période essentielle de la Belle Province.
La musique, message de Dieu et des femmes
On a un peu oublié qu’avant d’être une société progressiste, tolérante et libérale, le Québec fut un pays très catholique, très respectueux des rites religieux, corseté. A partir de 1960, la Révolution Tranquille a fait sauté cette chape de plomb mais le cinema s’est très peu intéressée à ce basculement historique pourtant puissant et déterminant.
Avec La passion d’Augustine, la réalisatrice Léa Pool revient avec doigté sur cette période qui paraît aujourd’hui d’un autre âge. Et elle choisit pour cela une immersion complète au sein d’un petit couvent égaré à la campagne, sur les bords du Saint Laurent.
L’institution religieuse en question, pourtant pleine de jeunes filles et de soeurs dévouées, va mal. Le nouveau gouvernement progressiste a décidé de développer l’école publique, même pour les filles (u comble!), et de couper les subventions à l’enseignement catholique.
La musique, la passion d’Augustine
La mère supérieure, la fameuse Augustine, va se battre pour tenter de poursuivre son oeuvre. Non pas qu’elle soit une religieuse absolument convaincue, mais elle a fait de cette école un haut lieu de l’enseignement de la musique classique où sont chaque année formées des virtuoses qui s’imposent dans les concours nationaux. L’arrivée de sa nièce qu’elle ne connait pas, le rebelle mais brillante Alice Champagne, va, contre-toute attente, l’y aider.
Le premier intérêt du film est justement de montrer le poids de cette religion fut paradoxalement de jouer en faveur de l’émancipation des filles… à condition qu’elles en échappent et qu’elles aient un talent reconnu, ici, la musique. C’est tout le combat de cette Augustine, personne au départ très rigoureux qui au fur et à mesure, va dévoiler sa véritable nature.
Un Québec oublié
Le second est effectivement de filmer ce Québec de l’ère Duplessis, entièrement sous le joug patriarcal et catholique, qui est absolument impossible à imaginer aujourd’hui, même si la plupart des québécois mûrs y font de temps à autre référence. Même Céline Dion qaund elle parle de sa famille et de ses nombreux frères et soeurs, un héritage de la politique nataliste de l’époque.
Enfin, le troisième et ce n’est pas le moindre, c’est la découverte de la brillante Lysandre Ménard, une pianiste de grand talent qui joue Bach avec un détermination magnifique et donne une virtuosité et une sensibilité bienvenue à cette histoire. Léa Pool n’a choisi que de vraies musiciennes pour jouer dans son film, pas d’actrices, ni d’artifice de mise en scène pour filmer des mains qui ne seraient pas les leurs. Ce qui donne une authenticité parfaite et surtout de superbes partitions musicales.
40 rôles féminins !
On pourrait aussi ajouter que Léa Pool a choisi de filmer l’hiver du Québec, le Saint Laurent gelé et la neige épaisse et qu’elle a distribué pas moins de 40 rôles à des femmes. Une prouesse qui mérite d’être soulignée!
De Léa Pool, avec Céline Bonnier, Lysandre Ménard, Diane Lavallée…
2015 – Canada – 1h43
Le film a reçu le Prix du public au Festival du film francophone d’Angoulême, aux Rencontres Cinématographiques de Cannes 2015 au Festival du Cinéma et de la Musique de Film de la Baule 2015.