Loïe Fuller a révolutionné la danse au début du XXeme siècle, avant de s’y rompre les os et de s’y brûler les yeux. La danseuse, le premier film de Stéphanie Di Giusto, revient élégamment sur son histoire.
Sept voiles et beaucoup d’encre
Loïe Fuller n’était pas danseuse. Pourtant, c’est cet art exigeant qu’elle a révolutionné à la fin du XIXe siècle, en inventant un style original et spectaculaire qui connut un grand succès à Paris, à l’Opéra de Paris même.
Q’importe qu’elle fut danseuse ou pas. Même quand elle vivait dans la ferme du Middle Ouest américain où elle est née, Loïe Fuller était déjà une artiste. Quand son père meurt, elle part rejoindre sa mère à New York. Mais, les relations avec cette féministe forcenée, autoritaire sont impossibles. Loïe devra trouver sa voix, seule.
La danseuse et le prince
Elle pose, fait l’actrice. En jouant de son costume sur scène, une robe blanche très vague, très souple, elle imagine une chorégraphie qu’elle mettra des années à peaufiner et à améliorer. Son style est né, flou, puissant, évocateur.
Elle signe ses premiers succès avec sa fameuse Danse serpentine. Un riche français la convainc de venir à Paris. Là encore, le succès est au rendez-vous. Avec un acharnement, une dévotion physique et quasi spirituelle, Loïe Fuller modernise la danse moderne. Elle se produit en solo, le corps dissimulé dans un immense voile de soie. Ses mouvements majestueux sont judicieusement éclairés, reflétés par un impressionnant jeu de miroir. Ils donnent l’impression qu’elle vole, s’épanouit comme une fleur ou un papillon. C’est spectaculaire et magnifique.
Plus dure sera la chute
C’est aussi très éprouvant pour le corps, puisque, pour magnifier les effets, elle danse avec des baguettes qui doublent la longueur de ses bras, perchée sur une estrade. Les bras tétanisés, le dos accablé, les yeux brûlés par les mauvais projecteurs, Loïe Fuller se ruine la santé pour être la meilleure.
Ce n’est pourtant pas tout cet apparat qui précipitera sa chute, mais l’arrivée d’une autre danseuse américaine, ultra-douée : Isadora Duncan. Elle lui volera son style, affirmera plus encore sa sensualité et passera à la postérité alors que Loïe Fuller a été complètement oubliée.
Soko est la danseuse
Stéphanie Di Giusto, qui jusqu’à présent avait réalisé des clips pour Camille, Rose ou Brigitte Fontaine et des pubs pour Vanessa Bruno, la réhabilite avec une grâce infinie. Son film, le premier, est aussi élégant que passionnant du début à la fin, sans temps morts. La réalisation et la photo sont très soignées, sans être maniérée et le récit est racontée de manière très maîtrisée. Filmées comme si elles se passaient sur un ring, les scènes dansées sont vivantes et magnifiques.
Ses interprètes sont au diapason de cette exigence. Soko, toute en force intérieure, campe une Loïe Fuller puissante et fragile. Lily-Rose Depp signe une première prestation gracieuse, Gaspard Ulliel est parfait en intrigant pygmalion et Mélanie Thierry une rassurante alliée… La danseuse est une belle découverte, bourrée d’un talent qui ne demande qu’à se confirmer et qui a valu au film, d’être sélectionné à Un certain regard au Festival de Cannes 2016.
De Stéphanie Di Giusto, avec Soko, Gaspard Ulliel, Mélanie Thierry, Lily-Rose Depp, François Damiens…
2016 – France – 1h48