Lors de sa sortie du 11 mars 2020, La bonne épouse de Martin Provost affichait une insolente bonne santé : 170 000 entrées en moins d’une semaine. Ce qui laissait présager d’une belle carrière en salle. Le film ressortira donc le 22 juin 2020, à la réouverture des salles.
De l’éducation des filles dans les années 1960
Peu de comédies ont pour sujet l’émancipation féminine. C’est le cas de La bonne épouse qui intéresse justement à l’explosion de la fonction traditionnellement attribuée aux femmes à la faveur de mai 1968.
Paulette Van der Beck (Juliette Binoche) gère une école de bonnes ménagères. Même si le nombre de postulantes baisse, les familles continuent à envoyer leurs filles à être dressées à devenir de parfaites épouses. Certaines le demandent même. Savoir s’occuper et contenter son mari, s’effacer pour le soi-disant bien de la communauté familiale, briller en cuisine, en tenue et en discrétion. Pourtant, en cette rentrée 1967, même en Alsace où est planté le décor, les certitudes domestiques commencent à vaciller.
Vivre avec son temps
Elles dérapent totalement quand le mari Van der Beck meurt brutalement. Sommée de reprendre toutes les rênes de l’école, Paulette découvre les passions secrètes de son époux. Ruinée, dépassée, démodée, Paulette et son école vont-elles réussir à se réinventer? A coller avec leur époque qui bruisse d’une révolte prête à éclater ?
Si le ton est évidemment à la comédie, Martin Provost ne fait pas dans la dentelle. Il pousse la caricature de la frustration, de la bonne tenue ménagère jusqu’à la démonstration. Et ne joue pas tellement plus finement quand il aborde l’émancipation. Ce qui rend son propos finalement peu crédible, et peu critique.
Juliette Binoche au sommet dans La bonne épouse
En revanche, on lui sied gré de traiter d’un tel sujet : celui de la nécessaire émancipation féminine, en décrivant le carcan qu’a pu être l’éducation des filles. Mais, il ne dépasse pas le constat gentillet et c’est dommage. Le ton aurait dû être plus cruel, plus acide moins léger tant le sujet a brisé de vies. Vies de femmes que Martin Provost raconte pourtant de films en films, après Séraphine, Violette ou Sage-femme.
Heureusement, il y a Juliette Binoche dont la prestation est époustouflante. Elle est aussi parfaite dans en épouse traditionnelle qu’en directrice d’école autoritaire ou en amoureuse révélée. Elle est tellement forte, évidente qu’elle en éclipse ses partenaires : la lunaire Yolande Moreau, pourtant à l’aise dans son rôle de vieille fille passée à côté de sa vie ou le trublion Edouard Baer, d’habitude si convaincant. Seule, Noémie Lvovsky détonne en impeccable bonne soeur coincée., amis son personnage reste malheureusement trop figé.
Sans remous
Son succès parle de lui-même. La bonne épouse, malgré ses relents de naphtaline, attire le public. A quand une vraie comédie d’émancipation grinçante, qui explose les terrains minés et bouscule définitivement les stéréotypes féminins véhiculés depuis trop longtemps par le cinéma?
De Martin Provost, avec Juliette Binoche, Yolande Moreau, Noémie Lvovsky, Edoaurd Baer, François Berléand….