Les débuts du féminisme en France et la liberté sexuelle qui en a suivi, voilà ce que raconte, avec passion et enthousiasme, La belle saison, le 13e et formidable film de Catherine Corsini.
Féminisme solaire
« Y a pas des trucs que t’as l’impression de pas pouvoir faire juste parce que tu es une femme ? » demande Carole à Delphine, lors de leur première rencontre, impromptue. Si, bien sûr que Delphine a cette impression. C’est même pour cela que fille unique d’une famille de paysans traditionnels, elle est montée à Paris.
La belle saison, celle des militantes
En 1971, à Paris, dans les milieux dits intellectuels, l’heure est à la revendication. Carole, prof d’espagnol, se plonge à corps perdu dans le mouvement féministe. En couple avec Manuel, qui milite pour les maoïstes, elle n’est « pas contre les mecs mais pour les femmes » et prône l’égalité des sexes, le droit à l’avortement, celui à disposer de son corps librement…
Justement, lorsqu’elle rencontre Delphine, dans la rue, lors d’une action coup de poing très amusante, Carole prend alors conscience que toutes les femmes ont un corps dans lequel elles s’épanouissent diversement.
Et beaucoup plus car affinités
Delphine a la rugosité et la force physique de la campagne qu’elle vient de quitter, la puissance nécessaire pour conduire un tracteur ou traire des vaches dès cinq heures le matin. Delphine est homosexuelle et c’est justement pour vivre sa sexualité qu’elle est venue à Paris.
Carole, elle, est libre, libre d’agir et de penser comme elle le veut, libre de tomber amoureuse Delphine. Aussi, quand Delphine est rappelée à la ferme puisque son père n’est plus en mesure de s’en occuper, c’est tout à fait naturellement que Carole la suit. Mais, la Corrèze est loin d’être Paris…
Retour en grâce
Magnifique idée que celle de Catherine Corsini que de revenir sur les prémices de la révolution sexuelle et du féminisme des années 1970, celui qui déboucha sur la fameuse loi Veil, en 1975, autorisant l’avortement. Et d’y revenir joyeusement, dans l’énergie positive qui fut sans doute celle des premières manifestations.
Subtilement, sans forcer le trait ni changer de point de vue, Corsini aborde la formidable implication des homosexuel(les) hommes et femmes dans ce combat contre le patriarcat tout puissant.
La belle saison, un joyeux combat
Intégrant, comme elle l’avoue, des épisodes véridiques (réunions à la Sorbonne, l’hilarante confrontation entre les femmes en réunion et le professeur de médecine réac, joué par Bruno Podalydès, l’évasion de l’asile etc.) à une fiction amoureuse très solaire, le film est aussi passionnant pour sa description de cette période fondatrice que pour la passion de ces deux femmes qui finit par se heurter à la réalité quotidienne.
Le scénario, signée Laurette Polmanss et Catherine Corsini, est limpide, bien mené et fort bien écrit, la musique de Grégoire Hetzel judicieuse et les actrices, Cécile de France, Izïa Higelin et Noémie Lvovsky en tête, formidables.
Bertrand Blier dit qu’un film est réussi quand il possède sa propre énergie. Celle de La belle saison est lumineuse, solaire. La meilleure manière de bien finir l’été ou de bien négocier la rentrée.
De Catherine Corsini, avec Cécile de France, Izaïa Higelin, Noémie Lvovsky, Kevin Azaïs…
2015 – France – 1h45