Rien n’est jamais banal chez Sophie Fillières et surtout pas la quête de soi. Avec La belle et la belle, elle signe une comédie singulière sur la manière d’ apprendre à être soi-même.
Margaux en 3 temps
Quand j’étais dans ma période québécoise, j’aimais beaucoup le dramaturge Michel Tremblay. En particulier sa pièce Albertine en cinq temps qui racontait une femme, Albertine, à cinq âges différents de sa vie. Dans la mise en scène que j’avais vue à Paris, les cinq comédiennes qui interprétaient Albertine étaient assises sur une chaise éclairées ou plongées dans la pénombre quand elles parlaient ou non.
La belle et la belle reprend le même principe, simplifiée à deux âges, furtivement à trois de la vie. À l’inverse de la mise en scène de théâtre, le film est très lumineux, solaire même.
Un destin et un amour communs
Albertine s’appelle ici Margaux. Elle a une vingtaine d’années ou la quarantaine. Elle est une fois interprétée par Agathe Bonitzer, l’autre par Sandrine Kiberlain. Surtout, l’improbable se produit puisqu’elles se rencontrent. Elles se côtoient et se reconnaissent, immédiatement.
La plus âgée dicte même à l’autre ce qui l’attend. Ce qui n’empêche pas la plus jeune de plonger dans son destin. Sans trop se méfier, sans calculer. A une limite près : Marc, le grand amour de Margaux. De l’une et de l’autre.
La belle et la belle, la blonde et la rousse
Cette fantaisie sur la connaissance de soi-même a pour atout majeur et singulier d’être tournée de manière réaliste, dans un contexte et avec des personnages qui ne le sont pas du tout. Ce décalage, fort bien maîtrisé, est amusant et surprenant.
L’autre force du film tient à ses deux interprètes féminines. Elles se ressemblent dans leur allure, dans leurs contours, l’une rousse, l’autre blonde. Mais leurs différences ne sont jamais un problème. Au contraire, à chaque fois c’est un enrichissement du personnage. Melvil Poupaud, d’habitude si touchant, si séduisant, en prend un peu ombrage. C’est dommage.
Un romantisme original
Dans la filmographie de la cinéaste, La belle et la belle succède à Arrête ou je continue, qui racontait la rupture d’un couple. A posteriori, ce nouveau film enrichit le précédent (dont il en reprend rien) et peut-être les regrets de la réalisatrice. Si, comme son héroïne, elle avait su, sans doute, aurait-elle évité la rupture… ou donner une seconde chance à une grande histoire d’amour.
Au contraire du thème et de la gravité du sujet, l’écriture des dialogues est soignée et légère, mais pas du tout convenue. Comme l’univers singulier de cette cinéaste, Sophie Fillières, qui parvient toujours à se renouveler tout en maintenant son originalité. Rien que pour cette spécificité, son cinéma mérite qu’on s’y attarde. Même s’il ne nous est pas toujours familier.
De Sophie Fillières, avec Sandrine Kiberlain, Agathe Bonitzer, Melvil Poupaud, Lucie Desclozeaux…
2017 – France – 1h36
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