Avec Julieta, son 21eme long métrage, Pedro Almodovar revient au portrait de femme que la vie n’a pas épargnée, sans la folie singulière qui l’a souvent distingué.
Tout sur ma vie
Et si Pedro Almodivar avait déjà tout dit ? S’il avait déjà tout filmé? Si son imaginaire riche et noueux ne faisait que ressasser ?
En regardant Julieta, on a cette impression diffuse d’avoir déjà une partie du film dans une de ses œuvres précédentes, qu’un des personnages s’est échappé d’un scénario antérieur, bref un air de déjà vu, déjà vécu, déjà perçu à la fois confortable et décevant, sans pour autant s’ennuyer devant l’écran.
Alors qu’elle doit quitter Madrid pour le Portugal, Julieta rencontre par hasard Béa, la meilleure amie d’enfance de sa fille Antia, fille dont elle n’a plus aucune nouvelle depuis 12 ans. Ces deux événements la forcent à revoir son projet de départ et à revenir sur son passé, douloureux, à écrire à Antia ce qu’elle n’a jamais osé lui dire.
Julieta, une vie d’étreintes brisées
Il faut dire que la vie de Juileta a été rocambolesque, rythmée par les rencontres et par un nombre incroyable de morts, finissant par la plonger dans un état dépressif plus réel que latent (et légitime). Sa fille en aurait souffert et l’aurait laissée en plan.
Très vite, le scénario d’Almodovar, inspiré de trois nouvelles tirées du recueil Fugitives de l’écrivaine canadienne Alice Munro, s’égare. Le film part sur l’idée de l’explication différée (et donc sur un flash-back) mais prouve au contraire que la jeune fille avait tout compris. De plus, cette surenchère incompréhensible de décès ( au moins 5!) n’arrange rien à l’affaire et crée trop d’invraisemblance et de pertes irrémédiables pour être crédible, séduisant.
Julieta, une héroïne almodovarienne calmée
En revanche, les actrices qui se relaient pour interpréter Julieta à différentes périodes de sa vie sont formidables, surtout Adriana Ugarte qui la joue jeune. Du coup, cette fameuse Julieta traverse les périodes de sa vie avec une grâce magnifique et le coiffeur et styliste qui les font évoluer dans le temps signent un travail remarquable.
Calmée de ses excentricités passées, la patte Almodovar revient avec élégance dans les détails merveilleux des décors ( un mur rouge, une tapisserie baroque, un brillant et audacieux équilibre de couleurs comme dans la photo du train, ci-dessus.. ) dans les costumes de ses personnages féminins qui rappellent cette extravagance explosive (un chemisier à fleurs bleus et rouge, des collants verts, une robe fleurie, un superbe tailleur pantalon rouge etc.).
Des amants passagers
En revanche, on se lasse de cette surenchère d’épreuves qui sont autant de rebondissements alors que l’histoire de famille de hasard, née de la rencontre fortuite d’une prof de philologie et d’un pêcheur dans un train, aurait pu être très belle, si elle avait été épurée, simplifiée. Elle aurait pu devenir un vrai mélodrame, touchant quand elle prend des allures de scénario de telenovellas par trop d’invraisemblances.
Apaisé sur les décors, la musique, Pedro Almodovar s’est aussi beaucoup assagi sur ses personnages. A part l’intrigante Marian jouée par une Rossy de Palma vieillie et affadie, aucun autre ne brille par son outrance, et c’est dommage. Au contraire , chez tout est calme et terrible, glaçant même.
De Pedro Almodovar, avec Emma Suarez, Adriana Ugarte, Daniel Grao, Dario Grandinetti, Rossy di Palma…
2016 – Espagne – 1h39
Julieta de Pedro Almodovar était en Compétition officielle au 69e Festival de Cannes 2016, mais n’apparaît pas au palmarès;