Jeanne du Barry
Enfant illégitime d’une couturière et d’un moine, Jeanne du Barry devient la dernière favorite de Louis XV. Maïwenn se reconnaît dans son histoire et signe un biopic très inégal sur cette figure controversée de l’histoire de France.
La favorite
Réputée pour sa beauté, Jeanne du Barry savait conquérir le cœur des hommes. Elle emporte le plus convoité de France, celui du roi Louis XV, mais pas celui de la Cour.
C’est son histoire que raconte en détail le biopic que lui consacre la réalisatrice Maïwenn et dans lequel elle s’attribue le rôle principal. Jeanne du Barry, c’est elle. Et la similitude de leurs destins, sans qu’on sache très bien à quel pygmalion ( Luc Besson?) Maïwenn se réfère est sans filtre.
« Jeanne du Barry, c’est moi »
Le film débute alors que Jeanne du Barry est encore enfant. Un peintre la dessine tant elle est jolie. Il est impossible de ne pas penser à Maïwenn, actrice doublure d’Isabelle Adjani dans L’été meurtrier quand elle avait une dizaine d’années. Ce qui a scellé son destin.
Adolescente rebelle mais cultivée, Jeanne quitte le couvent pour le bordel et séduit le Comte du Barry ( Melvil Poupaud). Il en fait une demie-mondaine qui a la chance d’être présentée au roi. Louis XV la remarque, elle le défie en le regardant dans les yeux. Il est conquis et l’invite dans son lit.
Ce qui n’enchante ni la famille royale, ni la cour. Mais le roi l’aime, elle aussi. Ensemble, ils vivent leur plus belle histoire d’amour, en rupture totale avec les conventions.
Un biopic inégal
Le point de vue que Maïwenn adopte sur cette ascension au sommet est ambigu et donne un film inégal. Il y a d’abord cette inutile voix off qui souligne ce que l’on voit à l’image et dont on pourrait penser qu’elle serait un guide dans cette romance surfaite. Cette voix serait-elle celle du premier valet de chambre du roi (personnage fictif, bien interprété par Benjamin Lavernhe), lui qui sera un des meilleurs alliés de la du Barry? C’est flou… et donc dérangeant. Il y a aussi cette musique pompeuse, signée Stephen Warbeck, qui n’apporte hélas aucune modernité au propos, loin du Marie-Antoinette de Sofia Coppola, par exemple et qui, de son propre aveu, a inspiré Maïwenn. Il y a enfin cette relation entre le roi et sa favorite, qui est traitée avec un romantisme de jeune fille quand leur passion devrait être charnelle, torride. Là, c’est à peine si la du Barry pose sa tête sur l’épaule du roi…
Même si Maïwenn se voit en Jeanne du Barry, le fait qu’elle interprète ce rôle lui donne sa propre limite. Cette favorite, c’est elle d’accord mais elle n’en dit rien de plus qu’il est impossible de se faire une place quand on n’est pas du bin milieu. Peut-être que Maïwenn a ce sentiment d’illégitimité, mais ce n’est pas la réalité. Née enfant au cinéma, elle s’y est très bien imposée, avec succès même. Cinéaste de l’émotion, mais ni de l’analyse, ni de la pertinence du point de vue, elle réussit pourtant, dans ce film, de nombreuses scènes qui finissent par donner du sens à son propos. Par exemple, cette puissante montée de l’escalier extérieur de Versailles quand Jeanne du Barry est affectée. Ou encore la mise en scène de la nature non conventionnelle de cette courtisane qui s’habille en pantalon ou dicte la mode à Versailles tout en en étant rejetée. A l’inverse, le ridicule de la Cour ou des soeurs du roi est traité sans subtilité, même si c’est risible. Reste ce sentiment ambivalent d’un film à moitié réussi, à moitié seulement.
De et avec Maïwenn, Johnny Depp, Benjamin Lavernhe, Melvil Poupaud, Pierre Richard, Pascal Greggory, India Hair…
2023 – France – 1h56
Jeanne du Barry de Maïwenn était présenté en ouverture de la sélection officielle du 76e Festival de Cannes, hors compétition. Il est sorti au cinéma le 17 mai 2023.