Julie Bertuccelli réalise le premier grand documentaire sur la réalisatrice Jane Campion, la femme cinéma. Une plongée au cœur des obsessions, des ambitions de cette créatrice discrète.
Cinéaste romantique et féministe
Au moins, il y en a une, avait coutume de dire Jane Campion en parlant de sa palme d’or et de sa présence dans les sélections et les palmarès internationaux. Depuis l’année dernier, il y en a deux au Festival de Cannes comme aux Oscars (toujours qu’une aux César).
Le remarquable documentaire que consacre Julie Bertuccelli à la grande cinéaste néo-zélandaise commence d’ailleurs par cette incongruité, images à l’appui. On la voit perdue parmi la soixantaine de réalisateurs hommes qui ont reçu une palme, revenant avec ses mots sur cette injustice historique qui a bien du mal à s’atténuer. Aux Oscars, elle compte sur ses doigts : 4 femmes nommées, une seule élue contre 350 hommes ! 350 !
Jane Campion, la femme cinéma analysée
Qu’est ce qui a donc valu à Jane Campion de devenir le fer de lance des femmes cinéastes? C’est ce qu’interroge en sous-texte le film de Julie Bertuccelli, elle-même réalisatrice d’une quinzaine de documentaires et de trois fictions. Pour ce faire, elle a choisi de ne se servir que d’images d’archives et d’interviews, la dernière remontant au sacre de Jane Campion, d’un Prix Lumière au Festival Lumière de Lyon, en octobre 2021 où, son dernier film prévu pour Netflix, The power of the dog était présenté dans les salles.
Interviewer Jane Campion n’est pas chose aisée. Elle esquive les questions et refuse de se livrer. Au pire, elle rit et il devient alors impossible d’en savoir plus. C’est une véritable mise à distance. Jane Campion, la femme cinéma prouve qu’elle n’a pas toujours été comme ça. Au début de sa carrière qui a débuté de manière tonitruante, puisqu’elle a remporté la palme d’or pour son court-métrage de fin d’études, elle se livrait beaucoup plus sur ses intentions, sa façon de percevoir le monde et son engagement féminin et féministe.
La revoir si jeune faire part de son ambition de faire du cinéma et un cinéma différent est une réelle source d’inspiration pour les apprenties cinéastes et pour toutes celles et ceux qui aiment son cinéma. Elle est alors directe, ose aborder son manque de confiance en elle mais aussi la force qui la tient et ce qui l’inspire. Rien de ce qu’il l’habite ou de ce qui l’a atteinte n’est occulté. On comprend mieux la manière et la matière de ses films, elle qui restera comme un.e des plus grandes cinéastes des années 1990 et 2000. Et il suffira alors de revoir un de ses chefs d’oeuvre – Un ange à ma table, La leçon de piano, Portrait de femme ou Bright Star pour s’en convaincre un peu plus.
Documentaire de Julie Bertuccelli avec Jane Campion
2022 – France – 1h50
Jane Campion, la femme cinéma de Julie Bertuccelli était présenté en sélection officielle du 75e Festival de Cannes, section Cannes Classics. Il sera diffusé sur Arte le 8 mars 2023 et accessible sur arte.tv du 1er mars au 16 mai 2023. Il sera accompagné de la diffusion de Un ange à ma table le lundi 6 mars 2023 à 0h55, puis sur arte.tv jusqu’au 5 mai 2023 et du sublime Portrait de femme, en projection unique sur la chaîne, le mercredi 8 mars à 20h