Deux soeurs adolescentes découvrent leur corps, l’amour et la compétition qui les sépare autant qu’elle les unit. Voilà le sujet de My skinny sister, le premier film qu’a réalisé Sanna Lenken et à propos duquel elle se livre à Cine-Woman.
« Il faut d’autres thèmes que l’anorexie pour qu’un film intéresse le public »
Pour son premier long métrage, la réalisatrice suédoise Sanna Lenken s’intéresse à l’adolescence de deux soeurs dont l’une tombe dans l’anorexie. Elle se défend de signer un film autobiographique, mais reconnaît qu’elle a connu le problème de près. Elle s’explique (par mail).
Vous dites avoir été anorexique. L’histoire de Katja est-elle la vôtre?
Sanna Lenken : Non, My skinny sister n’est pas autobiographique, mais un mélange de nombreuses recherches et de ma propre expérience. A vrai dire, je me reconnais dans mes deux héroïnes, Stella et Katja, C’est ainsi que j’écris mes scénarios : j’ai besoin de bien comprendre mes personnages et de les intérioriser.
Comment vous êtes-vous sortie de l’anorexie?
Je ne tiens pas à trop parler de moi. Je suis en bonne santé depuis l’âge de 20 ans ! Toutefois, les désordres alimentaires sont comme toutes les addictions (alcool, sexe, drogues). Ce serait facile de retomber dedans, c’est une stratégie de survie quand la vie est trop difficile.
Selon vous, Sanna Lenken, pourquoi les parents de Katja sont-ils aussi aveugles face à votre anorexie?
Je voulais que ses parents ressemblent à tous les parents, aux miens ou à ceux que j’ai rencontrés en faisant des recherches. Ils veulent aider mais ne voient pas le vrai problème. Très souvent, les parents ne s’aperçoivent de rien parce qu’ils pensent qu’il s’agit d’une simple révolte adolescente. Ils travaillent, ont leur propre vie à gérer… C’est aussi difficile d’accepter que votre ado est redevenu un bébé dont vous devez vous occupez 24h sur 24.
Leur comportement est parfois violent, notamment quand ils forcent Katja à manger. Comment l’expliquez-vous ?
Ils sont désespérés ! J’ai entendu des témoignages bien pires que ceux du film car vivre auprès d’un anorexique est très frustrant. Comme un alcoolique, un anorexique manipule, ment et devient quelqu’un d’autre. C’est une pression quotidienne énorme qui dure parfois des années. La seule chose que les parents souhaitent est que leur enfant mange. Ils l’aiment et veulent qu’il vive!
A l’inverse, ces parents ne s’occupent pas du tout du surpoids de Stella et de ce qu’elle mange. Comment l’expliquez-vous?
Je ne comprends pas cette question. Ils n’ont jamais poussé Katja à faire un régime et ne le demandent donc pas à Stella non plus. Ce n’est pas de leur faute si Katja est malade, mais cela l’aurait aidé qu’ils s’en rendent compte plus tôt.
Selon vous, pourquoi les films sur l’anorexie sont-ils si rares?
C’est un sujet difficile et peu attirant. Je n’ai d’ailleurs pas voulu faire un film sur l’anorexie, mais sur une jeune fille qui, en grandissant, se confronte à tout un tas de problèmes et qui cherche qui elle est. C’est aussi un film sur la sororité et sur la manière de sauver quelqu’un qu’on aime. Il faut d’autres thèmes que les désordres alimentaires pour intéresser le public. De plus, c’est aussi parce que peu de femmes réalisent des films or ce sont elles qui sont les plus touchées par ces problèmes.
Votre film traite de la relation de deux soeurs à l’adolescence. Pensez-vous que cet âge permet de révéler la complexité de cette relation?
A cet âge, on grandit, on se cherche des modèles, une identité et un moyen d’être aimée. Entre soeurs, il est facile de se comparer. C’est une relation d’amour/haine, mais la plupart du temps les soeurs comptent l’une pour l’autre et c’est ce qui rend cette relation si belle.
Selon vous, peut-on échapper à la rivalité entre frères et soeurs?
Pas vraiment. Les parents doivent essayer de l’estomper en voyant chaque enfant pour ce qu’il est et en encourageant chacun à faire ce qu’il aime. Mais, il est facile pour une petite soeur ou un petit frère de rester dans l’ombre de l’ainé, qui garde toujours l’avantage d’avoir quelques années de plus.
Aujourd’hui, vous entendez-vous bien avec votre soeur?
C’est ma meilleure amie, même si on continue à s’engueuler parfois.
Votre prochain film traitera-t-il d’un autre sujet éminemment féminin?
Il parle de la relation mère/fille dans une banlieue suédoise et de la manière dont une mère seule y survit. En Suède, ces mères isolées sont les plus fragiles économiquement. Un de mes films préférés sur le sujet est Wasp d’Andrea Arnold et c’est pour moi une grande source d’inspiration. Quand j’ai fini My skinny sister, j’ai eu envie de m’intéresser aux parents, à la difficulté de l’être, non pas du point de vue des enfants mais bien du point de vue de la mère.
Propos recueillis par mail par Véronique Le Bris
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