It follows de David Robert Mitchell a reçu le Grand Prix du 22e festival du film fantastique de Gérardmer. Déjà très plébiscité à Toronto et à Deauville, l’opus s’annonçait comme le film le plus fort de la compétition. Les prédictions ont donc eu raison.
L’amour à mort
It follows est le deuxième film de David Robert Mitchell. On doit à ce jeune américain le très remarqué The myth of American Sleepover. Son nouvel opus s’est imposé par sa force de mise en scène et par sa réflexion sur la jeunesse américaine et sa sexualité.
A la suite d’une relation sexuelle a priori anodine, Jay se retrouve hantée par des visions. Elle est aussi poursuivie par une espèce de zombies déterminés à l’éliminer. Sa seule chance de s’en débarrasser est d’avoir de nouveau un rapport sexuel avec quelqu’un qui, à son tour, pour se libérer du sort, devra le transmettre au suivant. Mais l’héroïne n’est pas déterminée à refiler cette malédiction. Elle va devoir fuir avec ses amis et trouver un plan pour tenter d’y échapper.
It follows, un teen movie complexe
Ce mal sexuellement transmissible qui tue et qu’on refile au premier venu, à la fois comme un mauvais sort et une délivrance prête bien entendu à de nombreuses interprétations. Cette histoire de contamination en fait un teen movie bien plus complexe qu’il n’y parait.
D’abord, parce que les vraies angoisses sont maintenues hors champs, formant une atmosphère anxiogène qui plonge l’héroïne dans un dilemme qui menace à la fois sa propre survie et celle d’une victime qu’elle devra choisir.
Une mise en scène soignée
Ensuite, parce qu’il faut saluer l’excellent travail de mise en scène du cinéaste : graphisme soigné (photographie, cadre, …), texture de l’image (peau, végétaux, matières…), omniprésence et symbolique de l’eau qui peut être envisagé comme abri et refuge foetal, lenteurs et silences qui laissent s’installer le suspense et un regard bienveillant pour ses protagonistes qui n’en fait pas une masse socialement identifiable mais une somme d’individualités confrontées à des peurs et des espoirs.
Si les figures adultes sont volontairement occultées, c’est pour laisser place à une réflexion bien plus passionnante sur la manière dont les adolescents font leur adieux à l’enfance, dans une banlieue sinistrée de l’Amérique puritaine en pleine dégénérescence.
Survival à Detroit
En effet, le discours social de l’oeuvre dans un Détroit en ruines apporte au film son caractère amoral et maudit : un vrai survival , naturaliste par moments qui ne va s’en rappeler le cinéma de Carpenter ou même de Lynch.
It Follows est assez habile pour échapper aux poncifs et assez intelligent pour renouveler le genre. Il prouve ainsi que le nouveau film d’horreur est à chercher du côté du cinéma indépendant. A la marge des grands studios. Et si chaque scène révèle des prouesses artistiques ou scénaristiques, on retiendra le dernier plan du film qui a l’air d’insinuer que c’est peut-être l’amour qui pourra conjurer le sort. Romantique, en plus de ça.
De David Robert Mitchell, avec Maika Monroe, Keir Gilchrest, Danny Zovatto…
2014 – Etats-Unis – 1h34