Avec Les intranquilles, Joachim Lafosse revient sur la vie quotidienne d’une famille dont le père est bipolaire. Trop descriptif pour être dérangeant et émouvant.
Vivre avec les démons
Damien est bipolaire. Dans ses phases dites maniaques, il est hyper actif, hyper créatif – il est peintre- et son « enthousiasme » est difficile à gérer. La première séance du film le montre très bien : Damien est en bateau à moteur avec son fils Amine de 8/9 ans. Ils sont au large. L’envie lui vient de rentrer à la nage. Il saute et laisse seul aux commandes du navire son jeune garçon. Tout finira à peu près bien, mais l’événement prouve le début d’une période pénible : celle où rien n’est jamais assez, sans repos, sans nuit, sans sommeil, sans répit ni pour lui, ni pour sa famille.
Sa femme Leïla gère comme elle peut pour tenter de garder un semblant de vie normale à sa famille, et surtout à son fils. C’est compliqué, Damien devient ingérable et il a souvent des comportements dangereux. À ces phases maniaques éprouvantes, succèdent des phases de dépression, d’atonie totale, encore plus difficilement supportables. Ces excès d’humeur et de comportement se régulent par des traitements médicamenteux. Encore faut-il que le patient accepte de le suivre. Ce qui n’est pas le cas de Damien.
La vie quotidienne éprouvante des Intranquilles
Les intranquilles de Joachim Lafosse dont le père était bipolaire raconte cela : la vie quotidienne auprès d’un être profondément instable, aux comportements imprévisibles mais attachant, amusant puisque sans filtre. Il raconte aussi les constantes stratégies d’ajustement ou d’évitement de sa femme ou de son entourage : se cacher, ne pas dire, ne pas provoquer, ne pas croire, essayer d’anticiper, amortir, laisser filer, alerter… jusqu’à ce que la vie quotidienne devienne un enfer. Et l’amour que mari et femme se portent n’a pas grand chose à voir là-dedans. A long terme, la disfonctionnalité use prématurément un couple pourtant amoureux.
À part cette description, quotidienne, méthodique, où chaque scène prouve un peu plus combien Damien est malade et difficile à gérer, le réalisateur ne parvient pas à prendre suffisamment de recul sur son sujet pour qu’on passe à autre chose. C’est pénible. Surtout qu’on comprend très vite que malgré l’amour, la vie familiale sera difficile à maintenir. En ne se détachant pas suffisamment de son sujet, en ne prenant pas de hauteur, Joachim Lafosse prend le risque que le spectateur finisse par se mettre à rire contre son personnage. Ou pire encore à s’en lasser.
Des hauts et des bas
C’est ce qui finit par arriver – le film dure tout de même près de deux heures- d’autant que Damien Bonnard qui incarne Damien n’est pas convaincant. Et que Leila Bekthi qui joue sa femme, n’évolue pas beaucoup non plus. Elle tente comme elle peut de sauver sa famille, en sacrifiant une énergie considérable à tenter de limiter la casse. C’est finalement le petit garçon, Amine, un peu inattendu même s’il appartient à la grande famille de cinéma (celle des Huppert-Chammah) puisqu’il est potelé et pas vraiment dans les standards des castings d’enfant habituels, qui semble le plus naturel.
À part ce juste focus sur une maladie qui finit par devenir invalidante pour une famille, la bonne idée de Joachim Lafosse est d’avoir intégré sans le souligner vraiment les contraintes sanitaires dues au covid. Les intranquilles devient ainsi un vrai film -peut-être le premier en Europe – du confinement.
De Joachim Lafosse avec Damien Bonnard, Leila Bekthi, Gabriel Merz Chammah…
2021 – France/ Belgique / Luxembourg / 1H58
Les Intranquilles de Joachim Lafosse était en compétition officielle au 74e Festival de Cannes. Il sera présenté dans la catégorie Les Flamboyants au 14e Festival du Film Francophone d’Angoulême. Il y sera projeté le vendredi 27 août à 16h30 et fera l’ouverture le 1er octobre du 36e Festival International du Film de Namur. Il sortira dans les cinémas le 29 septembre 2021.