L’intouchable Harvey Weinstein
L’affaire Weinstein ébranle Hollywood, le monde du cinéma et finalement la planète, en déclenchant le mouvement #metoo. L’intouchable (Harvey Weinstein) d’Ursula Macfarlane revient sur ces événements avec force témoignages inédits et accablants.
Grandeur et décadence du dernier nabab
Il aura fallu 30 ans pour que les abus de pouvoir et les harcèlements sexuels d’Harvey Weinstein soient révélés, dénoncés et mettent fin à l’impunité qu’il avait érigée en système de défense. Trente ans pendant lesquels ces proches semblent avoir fermé les yeux et les victimes s’être résignées au silence. Par peur et par peur de ne pas être crues. Tant qu’Harvey Weinstein n’est pas jugé (en septembre 2019), il reste présumé innocent. Mais, le nombre des témoignages et la persistance de son comportement dans la durée – 30 ans ! – ne pourront sans doute pas le laver de tout soupçon.
Dans ce documentaire didactique, l’anglaise Ursula Macfarlane retrace l’itinéraire d’un enfant se considérant comme peu gâté par la vie – du moins physiquement- et dont l’ascension jusqu’au sommet sera une incontestable revanche. Sa chute, brutale, n’en sera que plus spectaculaire.
Abus de pouvoir
La réalisatrice revendique son féminisme et son intérêt à analyser la domination et son système de complicité, de dissimulation et leurs conséquences. Elle reprend le sujet à la base. Elle nourrit son film de nombreux témoignages inédits de victimes – parfois très anciens – ou d’ex-employés des sociétés Weinstein. Ensemble, ils expliquent à la fois sa soif incommensurable de pouvoir et les dommages collatéraux, les abus que celle-ci entraînait.
La cinéaste s’appuie aussi sur un fil conducteur, la parole emblématique d’une jeune actrice canadienne, Erika Rosenbaum, dont le rêve hollywoodien se fracasse un soir dans la chambre d’hôtel de Weinstein. Il est étayé de bien d’autres témoignages de femmes, de victimes, d’actrices plus ou moins connues, d’anciens collaborateurs. Tous disent combien et comment ils se sont retrouvés piégés par un système implacable.
Intouchable et protégé
Car, comme le suggère le titre, Harvey Weinstein a, en trente ans de succès commerciaux, de campagnes de promotion réussies et de centaines de reconnaissances et récompenses obtenues, tissé une vaste toile qui le rendait intouchable. Il échappe même à la publication de photos qui prouvent les violences physiques qu’il a assénées à un journaliste new-yorkais trop pressant !
L’affaire Weinstein est l’unique sujet du film. Pourtant, la réalisatrice réussit à déconstruire un système, celui de l’abus de pouvoir. Elle donne ainsi une dimension universelle à une affaire emblématique mais loin d’être unique. Elle se méfie aussi de la manière dont elle sera jugée. L’absence de preuves et la prescription des témoignages pourraient jouer en la défaveur des victimes potentielles.
Se méfier des puissants
C’est intelligent et pédagogique. Et cela circonscrit parfaitement le sujet. Emouvant aussi quand les victimes se remémorent à la fois les actes, la pression de Weinstein. Ou leur incapacité à s’y opposer ou à en parler.
Et finalement impliquant quand on saisit que tous, à notre manière, nous avons contribué à rendre Weinstein bien plus puissant qu’aucun homme ne le mérite.
D’Ursula Macfarlane avec Erika Rosenbaum, Ken Auletta, Ronan Farrow, Hope d’Amore, Deborah Slater, Zelda Perkins, Paz de la Huerta, Rosanna Arquette…
2019 – Royaume-Uni – 1h39