Fleur de tonnerre

Share

Pour son premier long métrage, Stéphanie Pillonca s’intéresse à la destinée morbide d’Hélène Jégado, surnommée Fleur de Tonnerre. Et plonge avec fascination dans la Bretagne rurale et mystique, celle de l’Ankou et des légendes.

L’empoisonneuse

Hélène Jégado, l’Ankou… Pour qui n’est ni breton, ni gourmand, ces mots sont sans doute inconnus. Ils sonnent peut-être à ceux que la Bretagne, terre des légendes, fascine. Ou à ceux qui ont lu Fleur de Tonnerre, le livre de Jean Teulé que Stéphanie Pillonca a adapté pour sa première fiction au cinéma.

Fleur de Tonnerre de Stéphanie Pillonca - Cine-Woman
Déborah François (Hélène Jégado) dans une cuisine

Le film commence dans la lande bretonne au début du XIXème siècle. Dans une ferme rustique au lit clos,  une petite fille tente de se faire aimer de sa mère. Mais celle-ci est bien trop occupée aux champs et aux légendes pour porter attention à sa fille.

Fleur de Tonnerre, le surnom peu aimable d’une mère à sa fille

Brutale sans être violente, la mère rembarre la fillette. Elle mourra jeune, laissant derrière elle, Hélène, sept ans. Non sans lui avoir appris le pouvoir des plantes et celui de  l’Ankou, l’annonciateur de la mort, qui vient avec sa charrette grinçante ramasser les corps et l’avoir traumatisée à jamais.

Fleur de Tonnerre de Stéphanie Pillonca - Cine-Woman
Déborah François (Hélène Jégado) aux fourneaux

C’est du moins la thèse que défend Stéphanie Pillonca et Gustave Kervern, co-scénariste. Grandie sans amour et fascinée par l’Ankou, la petite Hélène n’aura alors de cesse que de jouer avec la mort.

Fleur de tonnerre ou l’appel de la mort

Devenue domestique puis cuisinière dans des familles bourgeoises du centre Bretagne, Hélène Jégado débute son errance à travers ses croyances – celle d’être appelée par l’Ankou non pour mourir mais pour tuer-.  Dans chaque maison où elle passera, quelqu’un trépassera. Les empoisonne-t-elle ?

Fleur de Tonnerre de Stéphanie Pillonca - Cine-Woman
Féodor Atkine est Théophile Bidard de la Noé, l’avocat qui mettra un terme au parcours morbide d’Hélène Jégado

C’est la thèse acquise, celle que retiendra contre elle Théophile Bidard de la Noé, un avocat de Rennes qui a eu la mauvaise idée de l’embaucher aux cuisines et qui la conduira à l’échafaud en 1852. Hélène Jégado n’a jamais reconnu ses crimes. Elle a pourtant été condamnée à mort pour cinq meurtres, guillotinée. Et soupçonnée de 37 empoisonnements dont 25 mortels, voire d’une soixantaine qui lui vaut le titre de la plus grande serial-killeuse de tous les temps.

Fleur de tonnerre : une envolée mystique

L’histoire est forte mais pas forcément facile à mettre en scène. Pour son premier long métrage de fiction, Stéphanie Pillonca s’en sort bien, même si le film aurait nécessité plus de moyens pour être impressionnant. La réalisatrice s mis un point d’honneur à reproduire, à filmer l’ambiance évanescente et mystérieuse de cette Bretagne, mystique, religieuse et rustique. Et c’est réussi. L’ambiance est brumeuse. La lande est inspirante et tire inévitablement vers l’au-delà.

Fleur de Tonnerre de Stéphanie Pillonca - Cine-Woman
Déborah François (Hélène Jégado) condamnée

Elle disposait pour cela de son expérience de réalisatrice. Si Fleur de Tonnerre est sa première fiction de cinéma, elle a déjà réalisé plusieurs documentaires dont deux consacrés au monastère israélien de Bet Gemal dans lequel sa soeur religieuse vit.

Déborah François, une Fleur de Tonnerre glaçante

Le casting est un autre des points forts du film. Déborah François confirme ici l’étendue de son talent. Elle donne une présence délicate, retenue ou glaçante,à cette empoisonneuse hors pair, laissant le doute sur son côté sombre, sans l’annihiler. Le reste du casting, même si les rôles sont plus furtifs est bien vu. Mention spéciale au chanteur Miossec qui campe un curé bienveillant et à Féodor Atkine, qui signe avec dignité l’arrêt de mort d’Hélène Jégado.

Fleur de Tonnerre de Stéphanie Pillonca - Cine-Woman
Le chanteur Miossec joue L’abbé Lohro qui viendra en aide à Hélène Jegado

A travers ce film et le parcours morbide de son héroïne, Stéphanie Pillonca rend un vibrant hommage à la Bretagne et à sa culture légendaire qu’elle saisit justement, bien qu’elle n’en soit pas originiare. Rien que pour ça, Fleur de Tonnerre, vaut le détour.

De Stéphanie Pillonca, avec Déborah François, Benjamin Biolay, Jonathan Zaccaï, Catherine Mouchet, Féodor Atkine…

2016 – France/Belgique – 1h40

© Estelle Chaigne JPG Films -Nexus Factory – uMédia

(Visité 196 fois, 1 visite(s) aujourd'hui)
Share