En 2009, Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest, révèle le scandale du médiator. La fille de Brest, c’est elle, une lanceuse d’alerte tenace que met en scène avec punch Emmanuelle Bercot.
Le médiator : combien de morts?
L’affaire a fait grand bruit, mais n’est toujours pas réglée. En 2007, une pneumologue du CHU de Brest, Irène Frachon constate que plusieurs de ses patients développent des valvulopathies cardiaques mortelles. Tous sont traités au médiator, un coupe-faim prescrit aux diabétiques et aux obèses depuis 30 ans. Le médicament est suspect : il comporte la même molécule que l’isoméride, déjà retiré de la vente.
Seule, Irène Frachon ne peut rien faire. Elle doit convaincre un professeur de médecine de l’accompagner dans ce combat. Antoine Le Bihan s’y engage, mettant en jeu sa carrière. Et pour commencer, ils doivent prouver ce qu’elle a constaté et lancent une étude épidémiologique.
La fille de Brest dénonce un système vérolé
Les résultats sont sans appel. Irène Frachon part les présenter à l’Afssaps (Agence Française de sécurité sanitaire et des produits de santé). L’accueil y est glacial. On se moque d’elle, on la méprise et la renvoie à Brest sans ménagement. Alors que le laboratoire Servier mis en cause bénéficie lui d’une compassion malsaine.
Irène Frachon n’est pas du genre à baisser les bras. Elle s’acharne. Le médiator est retiré de la vente en novembre 2009. Mais, son combat ne s’arrête pas là. Elle veut que la responsabilité d’empoisonnement des victimes soit imputé aux fautifs – au laboratoire Servier en premier lieu – et que ces malades soient indemnisés. Dans cette quête de justice, elle s’oppose aux conflits d’intérêts qui lient certains médecins, l’agence publique qu’est l’Afssaps et les laboratoires pharmaceutiques. La pneumologie choisit le bras de fer et publie un livre, Médiator 150 mg, combien de morts ? aussitôt attaqué en justice par Servier en juin 2010.
Son combat devient public. Elle commence à bénéficier d’aides variées à la Sécurité Sociale, dans les médias, d’hommes politiques qui légitiment son action. Premier effet : l’Afssaps devient l’Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), sommée d’être plus vigilante, moins dépendante des laboratoires et de leur puissance financière. Les victimes, en revanche, ne sont pas encore reconnues. Elles seraient pourtant entre 500 et 2000. Leurs descendants et toutes celles encore en vie mais empoisonnées, sont toujours dans l’attente d’un procès, constamment repoussé. Une lenteur qui convient à Servier dont les frais diminuent avec le nombre de victimes…
Une fille de Brest énergique et intime
Fille de chirurgien, la réalisatrice Emmanuelle Bercot s’est passionnée pour cette histoire en train de se faire. Elle ne rebute devant rien, ni une opération du coeur, ni de montrer un organe malade en gros plan à l’image, ni à une autopsie. Et cet aspect chirurgical assumé et bienvenu donne une véracité plus forte à la cause d’ Irène Frachon. Comme de filmer la technicité du combat mené et qui n’est pas très cinématographique au départ.
On sent pourtant que c’est la femme derrière le médecin qui intéresse Emmanuelle Bercot. Elle a confié son rôle à la Sidse Babette Knudsen, césarisée pour L’hermine de Christian Vincent. Une actrice danoise volontaire, révélée par la série Borgen, et dont l’accent marque la distance à la collusion des intérêts de certains. Présente dans presque tous les plans, elle est une boule d’énergie portée par sa famille, par son sens du devoir, par sa responsabilité de médecin et par des convictions et des valeurs fortes. Et c’est son parcours bourré d’embûches de lanceuse d’alerte qui ne recule devant aucune pression qu’elle choisit de mettre en scène.
La fille de Brest est le portrait nécessaire et haletant d’une femme ordinaire courageuse, dont la vie a pris soudainement des allures de thriller, quand elle a dénoncé un scandale sanitaire et exercé la plénitude de ses responsabilités. Une vraie lanceuse d’alerte qui a agi pour le bien des autres, pas pour le sien.
D’Emmanuelle Bercot, avec Sidse Babette Knudsen, Benoît Magimel, Gustave Kervern…
2016 – France – 2h08.
© 2016 Haut et Court – France 2 Cinéma – Crédit Photos : Jean-Claude Lother