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Et la femme créa Hollywood – Cannes 2016

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6% des 250 plus gros films américains de 2014 ont été réalisés par des femmes et moins de 20% des films indépendants. Mais il n’en a pas toujours été ainsi comme le montre Et la femme créa Hollywood, le passionnant documentaire de Julia et Clara Kuperberg.

Quand les femmes inventaient le cinéma

La place congrue que les femmes occupent dans le cinéma fait débat depuis plusieurs années et les moins convaincus à la défendre ont l’habitude de répondre : « ce n’est pas de moi qui fais l’histoire du cinema ». Certes… Mais, il serait peut-être bon de la réécrire cette histoire, en tentant d’être plus équitable.

La réalisatrice Mabel Normand

« Pourquoi se souvient-on de Georges Méliès et pas d’Alice Guy, qui l’a devancé (et protégé), s’étonne Ally Acker, réalisatrice et historienne qui la première a fouillé dans les archives pour réhabiliter ces femmes oubliées.  » C’est pourtant elle qui a inventé la fiction, c’est même elle qui a sonorisé le premier film, en 1906″. Pionnière française, pionnière mondiale même à qui la France rend toutefois peu hommage, Alice Guy est la première d’une période faste mais courte durant laquelle les femmes ont « fait » le cinema.

En 1925, la moitié des films étaient réalisés par des femmes

Et la femme créa Hollywood, le documentaire de Julia et Clara Kuperberg revient sur cette histoire oubliée avec des témoignages d’historiennes, de spécialistes, de femmes de cinema et beaucoup d’archives. Et toutes le signifient. Quand Hollywood se crée au tout début du XXème siècle – à part Alice Guy, le documentaire ne parle que de cinema américain- et jusqu’à l’avènement du parlant qui en fait une industrie rémunératrice, un business donc, le cinema doit beaucoup aux femmes ( et aux juifs d’Europe de l’est), deux catégories de personnes interdites d’emploi dans des secteurs plus prestigieux.

Lois Weber, la réalisatrice aux 300 films dont des westerns, des thrillers etc..

Durant ce premier âge où tout est à faire et rien n’est défini, les femmes sont les bienvenues et à peu près à tous les postes. On leur confie les scénarios, la réalisation de tous types de films, westerns ou thrillers compris, le montage surtout puisque éditer un film est proche de la couture.
A l’époque, on apprécie la créativité des auteures, leur ingéniosité à inventer la grammaire du cinema, leur beauté quand elles passent devant la caméra, leurs ambitions artistiques et parfois commerciales quand elles restent derrière.

Une époque bénie mais très courte 

Cette époque bénie consacre Lois Weber, réalisatrice de plus de 300 films dont le premier en couleur, Mabel Normand, Cleo Madison, Irene et Eleanor Morra, puis Frances Marion, doublement oscarisée pour ses scénarios ou Dorothy Arzner, Marie Pickford ou Lillian Gish, qui restent les plus connues aujourd’hui.

Mary Pickford, actrice, réalisatrice, productrice et créatrice des United Artists avec Charlie Chaplin et Douglas Faitbanks

Quand arrive le parlant, après 1927 et Le chanteur de jazz, l’industrie du cinema s’organise : les tâches deviennent des métiers, les films des sources de profit. Après la terrible crise de 1929, les chômeurs affluent à Hollywood alors en plein boom, poussant, malgré eux, les femmes hors d’un système pour longtemps.

Et la femme créa Hollywood… et disparut pour longtemps

En dehors de quelques cas isolés, telle Dorothy Arzner puis Ida Lupino, la reprise en main des studio par les hommes est totale. Ils façonnent même le rôle que les femmes doivent tenir, celles de stars créées de toutes pièces tel un fantasme et qui resteront les icônes de l’âge d’or hollywoodien.

Dorothy Arzner, réalisatrice

Après la guerre, c’est encore pire, la propagande encense la femme au foyer, hyper-consommatrice, il faut attendre les mouvements féministes des 1970’s pour que les femmes revendiquent une place au cinema et donc dans l’imaginaire collectif.

Un come-back timide à partir des années 1980

La route est longue, semée d’embûches, les places sont prises et pour une Sherry Lansing, qui dirigea la Fox avec succès, pour une Kathryn Bigelow sacrée du premier Oscar de réalisatrice de tous les temps, bien peu trouvent la route du succès et des budgets. La situation est moins difficile dans le cinema indépendant mais bien peu de passerelles permettent de passer au cinéma de studios.

Lillian, Gish, actrice et réalisatrice

Voilà en substance ce que raconte, Et la femme créa Hollywood, ce documentaire format TV ( 52 mn), classique dans son ton comme dans sa forme mais riche de témoignages construits – tous féminins, dommage!  – et surtout d’archives passionnantes.  La rareté du propos fait évidemment sa valeur, même si l’on espère que d’autres, sur des thèmes proches ou complémentaires, suivront.

Documentaire de Julia et Clara Kuperberg, avec Paula Wagner, Lynda Obst, Robin Swincord, Ally Acker, Cari Beauchamps…

Et la femme créa Hollywood de Julia et Clara Kuperberg est programmé en Sélection Officielle du Festival de cannes section Cannes Classics.

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