Avec El clan, le réalisateur argentin Pablo Trapero revient sur l’affaire Puccio, un fait divers qui a marqué son enfance. Avec brio.
Family Plot
Entre 1982 et 1985, quatre enlèvements atroces ont défrayés la chronique en Argentine. Connue sous le nom de l’Affaire Puccio, ces kidnappings étaient le fait d’une famille apparemment normale.
El clan, une affaire de famille
Dans la famille Puccio, il y a d’abord le fils aîné, Alejandro, un champion de l’équipe de rugby nationale des Pumas et à qui l’’avenir semble sourire.
Puis la mère, une enseignante bien sous tous rapports qui veille comme une louve sur ses quatre enfants, les tançant au besoin, caution passive et silencieuse d’un mari maléfique. Enfin le père, Arquimedes Puccio, celui par qui le scandale arrive.
Entre dictature et démocratie
A cette époque, la démocratie argentine est encore balbutiante, construite sur les ruines d’une dictature sanglante, à peine enterrée.
Arquimedes Puccio, ancien homme de main du renseignement militaire, au « chômage technique » depuis, a gardé de vieux réflexes. Protégé en haut lieu et profitant sans vergogne de la notoriété de son fils pour dissimuler ses crimes, il arrondit ses fins de mois en organisant l’enlèvement de riches concitoyens et négociant des rançons.
Tel père, tel fils
Pour l’aider, il a mis toute sa famille à contribution, Alex surtout, devenu son homme de main et recruteur de proies idéal. Pourtant habitué aux rapports de force et aux échanges physiques virils, ce fils, soumis à l’autorité et à la manipulation de son père, s’exécute sans faillir. Ses frères, ses soeurs, sa mère ont fait d’autres choix : fermer les yeux, refuser, subir, encourager ou s’enfuir… L’aîné collabore à un système qui lui permet de vivre heureux sa nouvelle histoire d’amour.
Il faut dire qu’Arquimedès est redoutable ! As du mensonge et du chantage, il supporte mal la contradiction et fait preuve d’une mauvaise foi désarmante. D’ailleurs, il n’avouera jamais !
Thriller émouvant..
Pablo Trapero, un des réalisateurs phares de la nouvelle vague argentine, s’inspire d’un fait divers célèbre qui a marqué son adolescence. Il réalise un film dramatique riche, trépidant et peu conventionnel, qui navigue entre les codes du thriller et du mélodrame familial, et s’attarde avec émotion sur la confrontation entre un père autoritaire et un fils dévoué.
Inventif dans sa mise en scène – il brouille les pistes en commençant par un montage rapide de séquences dont on ne comprendra le sens qu’au fur et à mesure -, il signe une reconstitution d’époque brillante sur une période intermédiaire et trouble de l’histoire contemporaine argentine
Drame politique
Cette construction savante qui désoriente le spectateur comme il le fut lui-même en enquêtant sur ce fait divers, jette le ton de ce film pétri de violence, de rapports de force et d’amour, navigant sans cesse entre un monde extérieur en train de s’apaiser et l’intérieur sordide et brutal d’une maison apparemment tranquille.
De Pablo Trapero, avec Guillermo Fancella, Peter Lanzani, Lili Popovich…
2015 – Argentine – 1h48
El Clan a reçu le Lion d’argent et le prix du meilleur réalisateur à la Mostra de Venise, en septembre 2015,