Défigurée à l’acide par son ex, Jade tente de se reconstruire. Dirty god de Sacha Polak s’intéresse aux conséquences. Pas au geste. Etonnamment positif.
Reconstruction
Jade, la vingtaine, portera à jamais les stigmates atroces d’un amour violent. Après leur rupture, son ex l’a aspergée d’acide, la défigurant à jamais. Comment se reconstruire après un tel traumatisme?
Le film débute au moment même où Jade quitte l’hôpital. Et il n’y aura aucun flashback. La réalisatrice a préféré s’intéresser à l’après. À la reconstruction. Et celle-ci n’est pas facile.
L’Enfer, c’est soi-même et les autres
Comment Jade va-t-elle, peut-elle affronter le regard des autres? S’imaginer une autre vie ? Un autre amour? Et peut-être surtout se confronter à sa petite fille, Rae, née de cette relation violente et parvenir à s’occuper d’elle? Tous les jours, à chaque minute de sa vie sociale, Jade est renvoyée à ces cicatrices qui lui défigurent la moitié du visage et le haut du torse. On la moque, on la dévisage, on la traite de moche… mais elle va devoir apprendre à faire face.
Et c’est un long travail qu’elle doit mener seule, suggère la réalisatrice. Elle évacue ainsi rapidement le procès et la condamnation de cet ex, ses relations d’avant pour mieux se concentrer sur Jade. Celle-ci va aussi devoir faire le deuil d’une éventuelle réparation esthétique. Mais ni des moqueries, ni des sorties, ni forcément d’un autre amour. Le cheminement long, ardu mais nécessaire l’aidera à s’accepter.
Faire face
Le film de la néerlandaise Sacha Polak est un des premiers en Occident à traiter de ces attaques à l’acide et de leurs conséquences. Elle a situé son film dans le East End londonien où ces attaques sont récurrentes et en forte augmentation ces dernières années. Arme facile d’accès, l’acide est utilisé par les gangs entre eux, mais aussi par les hommes qui cherchent à se venger d’avoir été éconduits. « Ce visage n’appartiendra pas un autre après moi », projettent-ils dans un ultime geste de possession.
C’est ce réflexe patriarcal que ce film déconstruit. C’est une féminité forte qu’il bâtit. Pour cela, la réalisatrice s’appuie sur Vicky Knight, assistance sociale dans la vie et dont c’est le premier rôle. Sans doute parce qu’elle a vécu petite ce que traverse Jade, Vicky Knight (la bien nommée avec son patronyme chevaleresque!) est exceptionnelle de vérité. Elle sait être butée, en réserve ou violente quand il le faut. Plus ouverte et sensuelle à d’autres moments. Et c’est incontestable que ce rôle lui a donné de la force, encore plus de force.
Dirty God, dirty mais positif
En plus de son sujet rare ici et son actrice principale, ce film plein de vie brille par sa bande originale ambitieuse signée Rutger Reinders. D’ailleurs, il est parfois hanté par de (trop) longues scènes en boîtes de nuit, sombres, pas très bien éclairées et répétitives.
Pour l’audace de son récit aussi, de son point de vue qui ignore le spectaculaire pour se concentrer sur la reconstruction, Dirty God mérite qu’on s’y attarde. A minima pour donner à ces femmes victimes de la violence masculine le regard et la considération qu’elles méritent.
De Sacha Polak avec Vicky Knight, Bluez Robinson, Katherine Kelly, Rebecca Stone…
2018 – Royaume-Uni, Pays-Bas, Irlande, Belgique – 1h44