Diamant brut d’Agathe Riedinger est le seul premier film de la Compétition officielle du 77e Festival de Cannes. La seule vraie découverte… hélas !
A polir
Le talent c’est aussi savoir s’entourer des meilleurs. Avec Noé Bach à la caméra – sublime- Audrey Ismael à la musique -efficace- , Agathe Riedinger a vraiment assuré le fabrication de son film. Elle aurait aussi dû se faire aider au scénario pour approfondir ses personnages, surtout les secondaires.
Le propos reste original – sortir de sa condition par des mirages – mais il n’est pas traité, jamais. On comprend que la réalisatrice-scénariste a choisi de ne surtout pas juger son personnage principal, une jeune fille hyper sexualisée mais pas une fille facile pour autant, dont le rêve absolu est participer à une émission de télé-réalité du genre « les marseillais » ou « les anges ».
Rêves d’aujourd’hui
Issue du sud ( de Fréjus) et d’un milieu misérable – sa mère se fait entretenir par ses amants de passage et a du mal à payer le loyer ou à s’occuper de ses deux filles-, Liane a les deux pieds dans son époque, même s’ils sont perchés sur des talons à paillettes. Réussir sa vie, pour elle, c’est être soit influenceuse, soit dans une émission de télé-réalité. Mais, pour cela, elle n’est pas prête à tout : elle peut porter des micro-shorts et se faire refaire les seins – à 19 ans – mais pas question de coucher pour réussir. Ambitieuse mais pas pute. D’ailleurs, la religion compte beaucoup pour elle, tout comme le jeune homme qu’elle a rencontré au foyer dans lequel elle a été un temps placée et qui est amoureux d’elle, sans qu’elle se l’avoue toutefois.
Pour améliorer l’ordinaire, Liane vole. Quand elle décroche un entretien avec la production de Miracle Island, l’émission TV qui la fait rêver, elle comprend que des ennuis avec la sécurité ou la police d’un magasin pourraient compromettre sa participation alors qu’allumer les autres membres de la 9e saison de cette émission TV serait plus qu’un atout. Ça tombe bien, Liane a des valeurs, de l’ambition même si elles sont incohérentes. L’attente, toutefois, est interminable.
Une vie vide
En attendant de savoir si elle part ou non pour Miami et son tournage, Liane survit et tente de s’en sortir, en tenant la dragée haute à son entourage. Et sa vie est plutôt répétitive. Et quand elle ne l’est pas, les situations deviennent irréalistes comme cette soirée mondaine où elle s’incruste.
Diamant brut repose sur une idée : ce n’est pas parce qu’une jeune fille s’habille et qu’elle se maquille comme un camion volé en ne pensant qu’à son apparence qu’il faut la juger sur là-dessus. Bien sûr que non et Rebecca Zlotowski avait déjà consacré un film au sujet, Une fille facile, avec une actrice, Zahia Dehar, bien plus intrigante. Liane n’a ni son attrait, ni sa profondeur, à peine un fond de religiosité, qui surgit de temps à autre.
Sans analyse
Certes, le film parle aussi des rêves dérisoires de l’époque mais sans analyse critique. On ne voit quasiment jamais l’héroïne regarder de la TV réalité – un comble puisqu’elle veut tellement y participer- et sa mission de trouver des likes à tout prix sur ses réseaux sociaux pour séduire la production est une promenade de santé qui la porte à 30k sans réel dommage, ni harcèlement. Quant à Malou Khebizi qui interprète Liane et porte le film sur ses épaules, elle n’est pas toujours à la hauteur de son personnage : elle est fausse dans les deux premières scènes et ne change pas beaucoup d’expression au fur et à mesure des différentes situations du film.
Diamant brut apporte certes un certain regard sur des personnages populaires, peut-être pas assez montrés dans le cinéma français (quoique). Mais il serait interessant de voir sur quels critères – et on espère que ce n’est pas la seule sexualisation de Liane qui a emporté la mise – il a été poussé en compétition officielle.
D’Agathe Riedinger, avec Malou Khebizi, Andrea Bescond, Idir Azougli…
2024 – France – 1h43
Diamant brut d’Agathe Riedinger a été présenté en compétition officielle du 77e Festival de Cannes. Sa sortie en salle est prévue pour le 20 octobre 2024.