Bien sûr que le prolétariat est un terrain inépuisable. Mais, qu’est-ce que les frères Dardenne qui le filment depuis des décennies, ont-ils encore à dire de neuf sur le sujet ? C’est l’un des enjeux de leur neuvième long métrage de fiction : Deux jours, une nuit. Avec une nouveauté de taille. Pour une fois, ils confient le premier rôle à un star internationale confirmée (et non à une actrice en devenir) : Marion Cotillard, qui joue Sandra.
Compte à rebours
Sandra travaille comme ouvrière dans une usine. Enfin travaillait, car une dépression l’a, ces derniers temps, clouée chez elle. Juste avant qu’elle ne reprenne son travail, ses collègues ont voté : soit pour que l’entreprise la reprenne, soit en faveur d’une prime de 1000€ distribuée à chacun.
Quand commence le film, le sort de Sandra est scellé. La majorité a choisi la prime. Sous pression. Afin d’être plus équitable, le patron autorise un nouveau vote. Sandra a donc un week-end pour convaincre ses anciens collègues de l’accepter à nouveau parmi eux. Et donc de renoncer à 1000€.
Deux jours, une nuit pour une quête impossible?
On suit Sandra, faisant du porte-à-porte, tentant de convaincre avec un argument identique des collègues qui ont su se passer d’elle et dont aucun ne roule sur l’or, bien au contraire. Ces 1000 €, tous en ont besoin. Pour vivre, survivre, améliorer l’ordinaire ou réaliser un projet de vie. Certains pourtant préfèreront se sacrifier pour ne pas la laisser au chômage.
Le film raconte cette quête. Et si le dilemme est réel, les arguments en faveur d’un oui, ou d’un non, ne sont jamais très différents : on est plus humain, plus redevable ou on a tout simplement plus besoin d’argent. Et pour chacun, toutes les raisons sont bonnes, au final.
L’important, c’est se battre
Du coup, et alors que les Dardenne sont depuis toujours les « rois » de l’enjeu social et moral, on finit ici par se désintéresser du cas de Sandra. Elle est portée par son mari, aimant et responsable, par ses enfants et quelques collègues dévoués. Mais on devient indifférent au résultat final, dès que l’on a compris que réussir à se battre est déjà une victoire pour cette femme, qui, à un moment, au mauvais moment sans doute, a malheureusement baissé la garde.
C’est dommage pour d’aussi grands cinéastes. Manifestement, les enjeux qui forment la trame de leur film ne sont plus aussi forts qu’à l’époque de Rosetta ou du Fils, où il s’agissait de survivre ou de L‘enfant, qui jouait avec une fibre viscérale plus forte. Le gamin au vélo était déjà moins essentiel.
L’enjeu : se renouveler
Peut-être que leur acuité mériterait aujourd’hui un autre contexte, d’autres enjeux sociaux, quitte à revenir ensuite à cette analyse des classes populaires qui intéressent, c’est vrai, si peu les cinéastes ou les artistes contemporains. Même décevant, même moins bouleversant, Deux jours, une nuit reste un film intéressant, mais pas surprenant.
Marion Cotillard y est convaincante, touchante même mais c’est surtout Fabrizio Rongione, qui joue Manu, son mari, qui se révèle ici, comme dans aucun autre des rôles qu’il avait pourtant occupé chez les Dardenne.
De Jean-Pierre et Luc Dardenne, avec Marion Cotillard, Fabrizio Rongione, Pili Groyne, Olivier Gourmet…
2014 – Belgique – 1h35
Le film est présenté en Compétition Officielle le mardi 20 mai 2014 et sortira le 21 mai 2014.
© Christine Plenus