Dans le cadre de l’année France/Colombie, le Forum des Images propose une sélection de 25 documentaires réalisés par des femmes. « Colombie : regards féminins » est à découvrir au Forum du 31 octobre au 7 novembre 2017.
La Colombie des réalisatrices
Les femmes cinéastes ont -elles un regard singulier ? Au spectateur de décider. Ce qui a guidé Gilles Rousseau, le directeur adjoint de la programmation du Forum des Images et spécialiste du cinéma latino-américain, est plutôt d’avoir une offre de cinéma décalée, unique au sein de cette année France-Colombie. À vrai dire, c’est un peu plus complexe que cela.
Ce qui est sûr, c’est que la Colombie et son cinéma ont beaucoup changé en quinze ans. Le pays parce qu’il a négocié un accord de paix avec les Farc (forces armées révolutionnaires de Colombie). Son cinéma grâce à la loi de 2003, influencée par le système français, qui a organisé un système d’aides de l’écriture jusqu’à la diffusion. La Colombie est ainsi passée de moins de 10 films produits par an à plus d’une quarantaine.
Beaucoup de films de Colombie inédits en France
Comme toujours, cette inflation a profité aux femmes. Mais comme leurs films restent moins visibles, on ne peut que féliciter Gilles Rousseau d’avoir eu la bonne idée de consacrer cinq jours entiers de leur travail en plein cœur de Paris. Ce que vous verrez dans ce 100% doc, vous ne le verrez quasiment nulle part ailleurs.
Gilles Rousseau l’avoue d’emblée. Il connaissait le travail de quelques réalisatrices, notamment celles de la diaspora. Il a donc choisi de confronter les films de ces colombiennes exilées à ceux de celles restées au pays. C’est le cas de Maria Isabel Ospina, installée en France depuis des années, mais qui continue à filmer son pays d’origine. Deux de ses films – Il y aura tout le monde (2008) et Ca tourne à Villapaz (2014) – font partie de la sélection.
Marta Rodriguez, une pionnière du cinéma anthropologique
Surtout, il a découvert la pionnière du cinéma documentaire colombien : Marta Rodriguez. Son l’oeuvre majeure Chircales, tournée entre 1966 et 1971, fera l’ouverture le 31 octobre 2017, à 19h. Formée à l’école de Jean Rouch, elle a, avec son mari Jorge Silva, consacré sa vie à défendre les indigènes et les minorités, auprès desquels elle a vécu.
Son engagement est total et constant, puisqu’elle continue à 80 ans passés. Cinq de ses films jusqu’à son plus récent, La Toma del Milenio (2015) seront projetés en sa présence.
Filmer l’intime
Mais, à côté ou plutôt à la suite de cette œuvre engagée, militante, a surgi un désir de filmer l’intime et dont la nouvelle génération s’est emparée. Du collectif, on passe à l’individu. Une évolution rendue aussi possible par la fin du conflit armé et qui permet enfin « au pays de regarder le présent et le futur », selon Gilles Rousseau.
La famille, la mère, l’exil devenaient des sujets que les cinéastes colombiennes se sont mises à interroger. Filmer son père, comme Ana Salas dans son En el taller, où elle interroge le peintre Carlos Salas, dans un effet miroir sur la création artistique. Filmer les grands-mères, comme dans Jerico, le vol infini des jours de Catelina Mesa. Dans Amazona, Clare Weiskopf enceinte s’intéresse à sa mère. Juntas de Laura Martinez Duque et Nadia Marquiso s’attarde avec émotion sur le premier couple lesbien marié d’Amérique du Sud. Avec La eterna noche de las doce lunas, Priscila Padilla revient sur un rituel wayuu qui concerne les filles lors de leur puberté.
Des réalisatrices de leur temps
Face à une telle variété de sujets, quels ont donc été les critères de sélection de Gilles Rousseau ? De ne pas traiter que du conflit armé. Et qu’il s’agisse « de films d »auteures, d’une oeuvre artistique portée par un vrai point de vue de cinéaste », précise-t-il. Seul, El silencio de los fusiles de Natalia Orozco Rojas (2017) tient plus du reportage journalistique. Mais, il revient sur 60 ans d’un conflit armé qui a fait plus de 8 millions de morts. Un film indispensable pour comprendre la Colombie aujourd’hui.
Sinon, Gilles Rousseau a aussi été sensible au fait que ces cinéastes soient aussi les productrices de leurs films. Comme Patricia Ayala, dont deux films sont présentés : Don Ca (2013) et Un asunto de tierras (2015) sur le processus kafkaïen de restitution des terres.
A noter. Une table ronde chargée de répondre à l’ironique question : Existe-t-il un cinéma colombien au féminin? est prévue le 1er novembre à 19h. Entrée libre.
Au Forum des Images, 2 rue du cinéma au Forum des Halles à Paris. Du 31 octobre au 7 novembre 2017.