Cloclo, le biopic que Florent-Emilio Siri consacre au chanteur Claude François, permet de comprendre l’idole pop française, pas forcément d l’aimer.
Un chanteur malheureux
Cloclo, Claude François, le chanteur le plus populaire de la décennie 1965-1975 en France, était aussi un play-boy survolté qui a pulvérisé la varièt’ française et l’a fait passer à l’ère de la modernité à l’américaine.
Cloclo fut le premier à avoir pensé ses concerts et ses passages télé comme des shows, sa vie comme un tourbillon, son marketing comme celui d’un produit de grande consommation multi-média, son public comme un fan club….
Cloclo : une icône pop française
Petit chanteur yéyé au physique chétif et à la voix de canard, il va se propulser à force d’ambition au sommet des charts, inventant un style à lui, celui de chanteur à filles bien habillé, véritable pile électrique sur scène et bourreau des coeurs en dehors. Fauché en pleine gloire (toutefois déclinante au moment de son électrification involontaire), il est resté une icône pop, un prince de la « dance » aujourd’hui en plein revival..
D’après le biopic que lui consacre Florent-Emilio Siri, c’était aussi un fils en quête constante de reconnaissance paternelle et dont la mère avait une très sérieuse addiction au jeu. Fils de très bonne famille, grandi en Egypte et victime involontaire de la crise du Canal de Suez en 1956, il arrive ruiné à Monaco où il se fait recruté comme batteur.
Cloclo, fan de Sinatra, des filles et du succès
Admirateur de Sinatra, amoureux abusif d’une belle danseuse, il monte à Paris sans le sou et réussit à force de persuasion à pousser la porte de la maison de disque Philipps. De tentative en échec amoureux, il réussit un coup de maître avec Belles, belles, belles, une adaptation du tube américain Girls,girls, girls (are made to love) des Everly Brothers. Sa carrière décolle d’un coup d’un seul. Il sait s’entourer, bénéficie d’une famille aimante et fidèle, d’un impresario assez génial Paul Lederman. La suite est connue, la fin (la vraie?) encore plus.
Une certaine revanche familiale
Ce qui intéressant dans le film, n’est ni la fin ni le début, vraiment peu inspirés sur une musique emphatique d’Alexandre Desplat (pourquoi? la bande son Cloclo ne suffisait-elle pas?) mais bien le fait que Florent-Emilio Siri ait décidé de ne rien ou de peu caché du personnage.
Ni sa maniaquerie et sa propreté obsessionnelles, ni ses colères homériques, si sa jalousie maladive, ni sa tyrannie de chef d’équipe, ni son ambition démesurée, ni même ses ambiguïtés familiales, ni surtout son besoin cruel, abyssal de reconnaissance… On cerne ainsi un type qui a sacrifié son existence, sa conscience à son ambition, à une certaine revanche familiale…
Une quête éperdue de reconnaissance
On sait depuis longtemps déjà que l’accession à la gloire a un prix, mais celui qu’il était prêt à payer était démesuré. En revanche, c’est aussi ce qui le distingue des autres, jamais on ne perçoit le moindre signe de lassitude, de volonté de retrait, de doute même. Non, lui s’est voulu au sommet, il y parvenu mais il aura fallu qu’une applique de salles de bains bancale lui redonne contact avec la terre, violemment, sans sursis, pour qu’il en décroche.
L’autre véritable atout du film est incontestablement son casting. Tout son casting. Jérémie Renier, bien sûr qui campe un Cloclo à l’énergie dévastatrice, présent sur tous les plans aussi performant en amoureux dingue qu’en danseur à paillettes. Benoît Magimel en un Lederman plus vrai que nature, Marc Barbé toujours dans le mauvais rôle…
Une idole à comprendre
Mais aussi toutes les actrices, moins connues prônant moins la ressemblance avec celles qu’elles interprètent qu’une fraicheur qui devient alors une incontestable qualité : Ana Girardot, Joséphine Japy, Maud Jurez… Bref, Cloclo est un biopic plutôt réussi, qui, sans révéler un personnage inédit, montre les facettes même les moins reluisantes d’une icône pressée. Le film réussit même l’exploit de ne tellement pas adulé son idole qu’on ne l’apprécie pas plus avant qu’après. On le connaît mieux, on apprend à le comprendre, c’est tout.
De Florent-Emilio Siri, avec Jérémie Renier, Benoît Magimel, Monica Scattini, Sabrina Seyvecou, Ana Girardot, Joséphine Japy, Marc Barbé…
2012 – France – 2h28