Cine Woman

Chez nous

Facebook

Avec Chez nous, le réalisateur belge Lucas Belvaux gagne en audace, en pertinence et en engagement. Et réalise un pamphlet extrêmement réussi sur la manière dont l’extrême droite est en train de conquérir les votes et les cœurs. Flippant!

Les dessous de l’extrême droite

Lucas Belvaux a une conscience et le prouve. En consacrant Chez nous, son nouveau film, à la manière dont un parti d’extrême-droite prépare une élection locale, il s’engage franchement. D’autant que les noms de la petite ville, du parti politique, de la chef blonde du parti incriminé sont à peine dissimulés. Juste assez pour ne pas être attaqué en justice.

Hénart, sa rue, son ambiance

L’histoire est limpide et éloquente. Dans une petite ville du Nord de la France rebaptisée Hénart, le Bloc patriotique cherche une tête de liste pour la prochaine élection municipale. Il lui faut une personne empathique, bien ancrée dans le paysage local.

Emilie Dequenne (Pauline), une candidate normale

Il croit la trouver en Pauline, une infirmière à domicile dévouée et à l’écoute. D’abord réticente aux idées du Bloc, elle finit par se laisser convaincre. Pour elle, c’est le début de sérieux ennuis. Notamment parce qu’elle vient de refaire sa vie avec son premier amoureux, Stanko, pas étranger au Bloc.

Chez nous, place aux femmes ? 

Sans être un documentaire, le film de Lucas Belvaux est extrêmement bien documenté.  Il décrit par le menu, et de manière haletante, la manière dont le parti extrémiste agit au niveau local pour recruter ses représentants.

Patrick Descamps (Jacques), Emilie Dequenne (Paulin) et Guillaume Gouix (Stanko, de dos)

Comme le FN, le Bloc patriotique opte pour des personnes respectables, proches du peuple qui n’avaient pas vraiment l’intention de faire de la politique mais qui ne rechignent pas à s’engager pour que « ça change ». Du coup, beaucoup de jeunes et de femmes se sont retrouvés catapultées têtes de liste, presque aux responsabilités, alors qu’une telle ascension était impossible ailleurs. « Quelqu’un croit en moi, se dit Pauline. Et cela, bien qu’elle assume seule ses deux enfants et son père malade, tout en travaillant beaucoup.

Stéphane Caillard (Victoire, Catherine Jacob (Agnès Dorgelle) et Emilie Dequenne (Pauline)

« Et puis c’est une femme », reconnaît-elle encore en parlant d’Agnès Dorgelle, la patronne du Bloc. Comme si cela donnait une couleur nouvelle au pouvoir politique depuis trop longtemps confisqué par les hommes, comme si sa voix ne pouvait être que différente.

Chez nous, au coeur de l’extrême droite

Mais, cette ascension fulgurante à un prix. Pauline découvre bientôt qu’elle n’est qu’une marionnette dans une organisation qui la dépasse, la manipule et finit par la mettre en danger, elle, sa famille et surtout ses principes.

Un meeting du Bloc patriotique, le parti d’Agnès Dorgelle

Et puis, elle découvre ce qui se cache derrière le vernis électoral et « l’intérêt » mis en avant pour le peuple. Comme tout parti d’extrême-droite d’Europe –Lucas Belvaux prend bien soin de ne pas parler que du FN- le Bloc vit avec les casseroles honteuses qui sont les siennes : ses liens incestueux avec la fachosphère et les mouvements violents néo-nazis qu’il tente tant bien que mal de contrôler.

Chez nous, un film politique et populaire

Limpide, savamment écrit et enquêté, Chez nous, le nouveau film de Lucas Belvaux montre une nouvelle facette de son talent, même si on connaissait déjà sa veine sociale. Là, il a l’audace de relancer le cinéma politique avec une approche simple, humaine.

Chez nous, un film politique et populaire, ancré dans la France du Nord

En cela, il s’éloigne des derniers films politiques français qui prenaient trop de hauteur et s’intéressaient plus à la pratique du pouvoir qu’à sa prise. Ils misaient pour cela sur l’infiltration au cœur d’un ministère ou un cabinet telles Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier ou L’exercice de l’état de Pierre Schoeller et se coupaient ainsi d’une réalité puissante, populaire.  En collant au terrain et en sortant le film à deux mois de la présidentielle, Lucas Belvaux assume pleinement son sujet et son message.

Une réalisation simple mais efficace

Tout est bien mené et ses acteurs sont pertinents. Surtout André Dussolier qui joue avec autorité les intrigants, Guillaume Gouix, aussi physique que percutant et l’enthousisste Anne Marivin. On a connu Emilie Dequenne plus émouvante, dans Pas son genre du même Belvaux par exemple. En revanche, Catherine Jacob tient mal sa partition. Dans les meetings, son débit de paroles est bien trop rapide pour parvenir à convaincre des militants, et elle n’use d’aucun silence. C’est dommage.

Emilie Dequenne (Pauline) et Guillaume Gouix (Stanko)

Difficile d’accepter que le seul parti politique qui laisse le plus de place aux femmes et risque d’en hisser une au pouvoir est le parti qui leur voudra sans doute le plus de mal ensuite. Mais, c’est une nouvelle la preuve que la société française considère la place des femmes à la marge. A la marge du pouvoir, de l’établissement.

Catherine Jacob (Agnès Dorgelle)

A force de les ignorer, ce qui risque d’arriver arrivera. Lucas Belvaux, qui est belge d’origine, ce qui explique sans doute son audace, vous aura prévenu. Personne ne pourra dire qu’il ne savait pas.

De Lucas Belvaux, avec Emilie Dequenne, André Dussolier, Guillaume Guoix, Catherine Jacob, Anne Marivin…

2016 – France – 1h54

© Jean-Claude Lother -Synecdoche -Artemis- Productions

Facebook
Quitter la version mobile