Chanson douce de Lucie Borleteau adapté du prix Goncourt 2016 est un des films de femmes des plus attendus de l’année. A voir.
Horreur à domicile
En 2016, Chanson douce le roman de Leila Slimani a reçu le Prix Goncourt et fait du bruit. L’histoire est aussi belle que son récit est atroce. Une nounou, embauchée dans une famille de bobos parisiens, qui tue les enfants qu’elle garde. Le livre commence par la fin, le film non.
Le livre a tellement plu à Karin Viard qu’elle a tout fait pour qu’il soit adapté. Elle rêvait tant de jouer cette baby-sitter apparemment parfaite et finalement psychopathe. Elle avait pensé à Maïwenn à la réalisation qui a travaillé le scénario avec Jeremy Elkaïm. Mais elle s’est désistée.
Des enjeux avortés
La jeune Lucie Borleteau ( dont c’est le deuxième long métrage après Fidelio, l’odyssée d’Alice) a finalement repris le script, le flambeau et l’actrice principale. Et c’est un des déséquilibres du film qui ne tranche pas sur la direction qu’il veut prendre. Est-ce un thriller psychologique – qui doit donc nous foutre les jetons, ce qui n’arrive pas- ou bien le portrait d’une psychopathe que ses employeurs n’arrivent pas à cerner ? Ou bien, est-ce, comme le livre, une revanche sociale entre une nounou complètement déclassée et de jeunes gens qu’elle imagine très gâtés par la vie (et qui le sont plus qu’elle)?
Le film ne choisit malheureusement pas. Ce qui rend le thriller mou. Si la nounou est barge et inquiétante, elle donne le change et aucune scène – si ce n’est celle du poulet -ne vient vraiment la trahir. Il aurait fallu justement qu’elle finisse par se trahir en laissant des actes manqués qui montent en puissance pour démontrer sa folie, sa préméditation.
Chanson douce et à trop de voix
Même chose pour la psychologie. Trop peu de choses nous sont dévoilées sur cette nounou pour qu’on puisse dépasser le simple constat qu’elle est à minima inquiétante, mais plus sûrement angoissante voire maltraitante. Les morsures par exemple auraient pu être une piste, avortée trop tôt pour donner matière à penser ou à panser. Enfin, l’humiliation de classe est trop vaguement exprimée, noyée sous d’autres sujets, pour qu’on ressente le malaise et qu’elle puisse être une tentative d’enjeu intéressante.
C’est dommage parce que les acteurs, enfants compris, sont tous bons. Les autres aspects de la réalisation -musique, prise de vues, la maitrise du quasi huis-clos etc. – sont tenus. Mais, le point de vue n’est jamais assez puissant et les scènes ajoutées au livre (le pot, le poulpe…) brouillent plus le message qu’ils n’apportent de solution.
De Lucie Borleteau avec Karin Viard, Leila Bekhti, Antoine Reinartz, Assya da Silva…
2019 – France – 1h40
Chanson douce de Lucie Borleteau était en sélection officielle au 28e Festival de Film de Sarlat. Sortie en salle le 27 novembre 2019.