L’atelier
Une écrivain célèbre vient animer L’atelier d’écriture de jeunes en difficulté à la Ciotat. À partir de ce point de départ, Laurent Cantet brode un drôle de film entre fiction et documentaire.
Un polar entre fiction et réalité
Laurent Cantet a eu la Palme d’or en 2008 pour Entre les murs, un pamphlet sur l’école qui naviguait déjà entre documentaire et fiction. Ce film dressait le constat d’une école à plusieurs vitesses, bourrée d’énergie mais pas forcément de talents, de problèmes aussi. Le tout était raconté avec beaucoup d’humour et de vitalité.
Ce n’est pas du tout le ton de cet Atelier. Une romancière célèbre vient l’animer auprès de jeunes adultes en difficulté. On ne saura jamais trop quels sont leur but et leur ambition, puisque le sujet dévie très vite sur un jeune homme. Il est toujours à contre-courant du groupe et Laurent Cantet s’intéresse aussitôt à sa vie en dehors. Pas à celle des autres.
Antoine a tout pour être le mieux intégré. Il est blanc, a une famille et un groupe d’amis et un caractère fort. Il a aussi des idées politiques qui le mettent en marge, il fréquente l’extreme-droite…
L’atelier, un contre tous
Ce qui est malin, dans le film, c’est que cet Antoine se dévoile en s’opposant au groupe et aux choix communs. L’atelier a lieu à La Ciotat et le collectif envisage de construire son récit à partir de l’histoire forte de ses chantiers navals qui marquent encore la physionomie et l’âme de la ville.
Antoine préfère leur tourner le dos et enterrer cette histoire ouvrière. Lui, c’est la reconversion en chantier de réparation de yachts de luxe qui l’intéresse. C’est là qu’il veut ancrer son polar. Les relations vont bientôt s’envenimer. Entre Antoine et le groupe, la rupture est consommée. Entre la romancière et lui, l’intérêt commence à prendre une drôle de tournure aussi effrayante qu’attirante.
Un polar d’écriture
Laurent Cantet prend le parti pris de traiter l’évolution de cet atelier sous la forme d’un polar, bourré d’ellipses, de suspense et de faux semblants. Cette mise en abyme – puisque c’est aussi le genre sur lequel les stagiaires décident d’écrire – est intéressante et maligne. Ce qui n’empêche toutefois pas le film d’être pesant et passablement ennuyeux. Justement parce que le procédé se voit trop.
Mais aussi parce que ses personnages ne sont jamais sympathiques, Sans doute aussi, parce que comme souvent Laurent Cantet excelle dans les idées et les procédés – il parle toujours remarquablement de ses films- mais oublie, à trop intellectualiser sa démarche tout en s’en méfiant, de se laisser aller à l’imprévu, à l’émotion. A ce qui déborde du cadre et donne une dimension plus forte à un projet. C’est le cas ici sur un sujet âpre dont le spectateur finit par s’exclure de lui-même.
De Laurent Cantet avec Marina Foïs, Matthieu Lucci…
2017 – France – 1h53
L’atelier de Laurent Cantet était présenté le lundi 22 mai 2017 dans la sélection officielle Un certain regard du 70e Festival de Cannes. sa sortie France est prévue le 11 octobre 2017.
© Pierre-Milon