Apolonia, Apolonia
Léa Glob, une cinéaste danoise, filme Apolonia Sokol pendant 13 ans et accompagne ainsi l’émergence d’une artiste-peintre féministe de premier plan. Passionnant.
Être femme et artiste aujourd’hui
Pour obtenir son diplôme de cinéma, une étudiante danoise doit réaliser le portrait d’une personne. Elle a deux semaines pour son projet. Il durera 13 ans. Pendant plus d’une décennie donc, et aux quatre coins du monde, la cinéaste Léa Glob suit, avec sa caméra, Apolonia Sokol, une française qui a, en partie, grandi au Danemark, et dans un théâtre parisien, celui du Lavoir moderne créé par ses parents.
Treize années durant lesquelles le talent d’Apolonia, peintre en devenir, va s’épanouir au contact des personnes qu’elle rencontre. Il y aura d’abord sa mère et son père, qui se séparent quand elle a 8 ans, puis tous ceux et celles qui fréquentent le Lavoir parisien.
Une peintre figurative résolument moderne
Fille d’une mère marquée par plusieurs exils, Apolonia commence à affirmer son style en peignant ces origines et ces étapes. Ses premières peintures sont impressionnantes, elles mélangent par couches ces différentes influences et jouent des transparences pour en révéler plus ou moins certaines.
Son style, figuratif, évolue pourtant au fil du temps et des rencontres. Quand elle obtient son diplôme aux Beaux-arts de Paris, elle est déjà passée à des portraits, souvent de femmes mais pas que, des corps entiers dans des positions aussi quotidiennes que peu représentées en peinture. Une main qui glisse sur une baignoire, un dos d’homme noir qui dort, une femme qui fait le pont etc.
D’art et de politique
Il faut dire qu’entre temps s’est invitée au Lavoir moderne une jeune femme qui va chambouler la vie d’Apolonia : Oksana Chatchko, qui a fui l’Ukraine les deux poignets cassés après avoir inventé le mouvement des FEMEN. Elles partagent un quotidien, une amitié… qui vont les inspirer l’une et l’autre. Ce qui n’empêche pourtant pas Apolonia de partir à New York puis à Los Angeles tandis qu’Oksana ne peut pas s’offrir le luxe de quitter la France.
Après quelques déconvenues, la carrière d’Apolonia Sokol finit par prendre son envol tout en restant influencé par ces rencontres marquantes. Celle de Lea Glob en revanche est bientôt freinée par la maladie et par la maternité. En s’invitant ainsi dans son propre film, la réalisatrice donne une nouvelle dimension à la fois féministe et politique à son long métrage. Car, c’est bien de cela dont il s’agit avant tout : dresser les contours d’une oeuvre engagée qui tente de montrer ce que c’est qu’être une femme artiste aujourd’hui, qu’on s’appelle Apolonia, Oksana ou Lea, et que l’on soit peintre, activiste ou cinéaste.