Amour fou
Inspiré du poète Heinrich von Kleist, Amour fou est le projet radical d’une réalisatrice douée. Jessica Haussner maîtrise son sujet avec brio.
La mort à deux
Un suicide en couple est-il une preuve d’amour fou ou un projet par nature absurde, ridicule? Voilà la question que pose la talentueuse réalisatrice autrichienne Jessica Hausner, en s’inspirant de la fin de vie du jeune poète allemand Heinrich von Kleist.
L’Amour fou, une quête folle
Berlin, 1811. Des intérieurs confinés, où la vie semble figée tant elle est filmée en plans fixes. Un jeune romantique cherche désespérément une âme qui souhaiterait quitter la vie avec lui. Il tente de convaincre sa cousine dont il se dit épris. Il écope un refus. Mais il parvient à obtenir le soutien d’Henriette, une jeune épouse qui vient d’apprendre qu’elle est atteinte d’une maladie incurable.
Jessica Hausner revendique un parti prix formel radical, ambitieux, intellectuel. Elle filme cette quête sans affects apparents, en privilégiant les plans fixes et les rares mouvements de caméra, en multipliant les silences et les dialogues courts
Mourir à deux…
Pourtant, c’est évidemment de cette rigidité que surgit l’absurdité de la revendication du poète. Cette quête est à priori impossible puisqu’il ne propose non pas d’aimer ou de vivre à deux mais de mourir ensemble. Tel est son seul projet, sa seule démarche, ce qui le pousse, paradoxalement, à vivre.
Rien n’est à priori aimable dans ce film, le quatrième long métrage de Jessica Hausner, sélectionné à Un Certain Regard au Festival de Cannes 2014. Et surtout pas sa mise en scène glaciale, ses décors épurés, des costumes rigides.
… l’un après l’autre
Pourtant, l’absurdité de la proposition, la passion qui obsède le poète, sa ferveur à vouloir la partager et la rigidité, la froideur du contexte, créent un contraste sidérant, passionnant. Il en ressort une telle absurdité que la démarche initiale du jeune homme devient ridicule. Sans jamais que la réalisatrice ne se moque de lui.
L’amour fou du titre serait évidemment ironique. Si tout est réuni pour que ce film soit une pure comédie romantique historique, il devient au fur et à mesure l’obsession mortifère d’un jeune dingue mu par un désir de pouvoir, non sur lui, mais sur celles qu’il prétend aimer. Bien qu’il n’y ait jamais ni partage, ni amour dans sa démarche.
De Jessica Hausner, avec Christian Friedel, Birte Schnöeink, Stephan Grossman…
2014 – Autriche/Luxembourg/ Allemagne – 1h36