Amin
Avec Amin, Philippe Faucon poursuit son intérêt pour les immigrés en France. Avec la même subtilité mais aussi les mêmes défauts que d’habitude.
Devoir ou plaisir?
Philippe Faucon s’intéresse aux invisibles. À ceux qui vivent sous nos yeux et que nous ne voyons pas, sauf quand nous avons besoin d’eux.
Amin est de ceux-là. Il a quitté le Sénégal, laissé sa femme et ses trois enfants, ses frères et quelques projets. Comme d’autres partis gagner leur vie à l’étranger, Amin aide au financement de l’école et au développement de son village.
Une vie en suspension
En France, il travaille sur les chantiers et partage ses soirées avec d’autres immigrés qui vivent comme lui au foyer. Appelé un jour en renfort sur un chantier privé, il sympathise avec la propriétaire. Ils deviennent amants.
La suite n’est pas racontable. Non pas qu’il y ait un suspense dingue mais simplement un constat, sans explication, qu’une vie de devoir n’est sans doute pas une vie. Mais qu’une vie de plaisir non plus. Philippe Faucon ne tranche jamais – c’est énervant- et laisse en suspension la fin de ses histoires.
Amin est éloigné là-bas…
Comme dans Fatima, qui lui a valu le César du meilleur film français en 2016, Philippe Faucon aborde un thème rare filmé dans le cinéma français : la vie quotidienne des immigrés. Il filme avec attention les ouvriers sur les chantiers, leurs soirées au foyer et pour une fois, leur retour dans leur pays d’origine, où ils ont souvent laissé leur famille.
Les scènes au Sénégal où Amin retrouve les siens et s’épanouit à leur contact sont les plus réussies et les plus intéressantes du film. On le voit vivre, prendre de l’assurance et ne pas savoir répondre aux interrogations de sa femme aux prises avec sa belle-famille et son envie de le rejoindre à Paris.
… et immigré ici
Mais, la vie d’Amin est principalement en région parisienne. Une vie de labeur, pas très drôle, dans un pays qui n’est pas le sien et où les difficultés sont légion. Est-ce qui le pousse à avoir cette relation avec Gabrielle? Culpabilise-t-il ? S’épanouit-il à son contact? L’a-t-il vraiment souhaité?
On n’en saura rien. Amin est indéchiffrable et Philippe Faucon filme, avec lâcheté, non pas ce qu’il pense, ce qu’il souhaite, mais ce que les femmes, Aïcha au Sénégal, Gabrielle en France, en déduisent.
Sans engagement
Le cinéma de Philippe Faucon est ainsi : en suspension. Subtil dans sa manière d’aborder les êtres, mais sans jamais prendre parti, ni cerner ce qu’ils sont vraiment. D’une certaine manière, il n’est pas décidé, mais subi.
Et même s’il s’intéresse à des sujets forts, pertinents, ancrés dans la société actuelle, il se limite à des témoignages inaboutis et manque de courage. Toujours.
De Philippe Faucon, avec Moustapha Mbengue, Marème N’Diaye, Emmanuelle Devos…
2018 – France – 1h31
Amin de Philippe Faucon a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs 2018 et le sera au Festival du Film Francophone d’Angoulême. Sortie française : le 3 octobre 2018.