Survivre à l’horreur. Voilà le propos d’Amanda de Mickaël Hers, un film solaire et à l’ambiance diffuse sur un sujet qui ne l’est pas du tout. Intéressant.
Survivre à l’effroi
Amanda commence sur un faux rythme qui laisse un peu pantois. Non qu’il soit désagréable de naviguer ainsi au cœur de cette famille aimante et des quartiers de l’Est parisien, filmés de manière à ce qu’on les identifie. Mais on se finit par se demander quand et s’il va se passer quelque chose.
Ce quelque chose arrive subrepticement au moment où l’on ne l’attend plus, dans un silence assourdissant. La scène se passe au Bois de Vincennes – encore plus flippant quand on en est familier et voisin, comme moi -. Elle est filmée rapidement. Nul besoin de s’appesantir. Et un autre film commence lors. Sur cet effroi.
L’inconstance de Paris
Mais revenons à la première partie, à cette présentation en légère lévitation des personnages de l’histoire, de cette période qu’ils traversent sans se douter de rien.
David vit au jour le jour, affûteur d’arbres ou gestionnaire d’un immeuble qui ne lui appartient pas. Cette liberté – certains diraient cette difficulté à s’installer dans la vie – il la consacre souvent à sa nièce, Amanda. Sa grande sœur l’a eu avec un inconnu et l’élève seule. Ce noyau est leur principal repère familial. Leur père est mort. Leur mère les a abandonnés enfant et est parti vivre à Londres. Leurs liens sont tenus et ils sont indispensables les uns aux autres. Ce qui n’empêche nullement les frictions.
Amanda ou la perte de l’insouciance
Puis survient le drame. Une réunion d’amis qui vire au traumatisme collectif, chacun portant sa nouvelle croix. D’autant plus douloureuse que le contexte, juste avant, semblait serein. Presque apaisé.
Sandrine, la mère, la sœur meurt. Amanda se retrouve seule, à à peine 10 ans. David acceptera-t-il d’en prendre la tutelle? Aura-t-il les épaules pour accepter d’en devenir l’unique responsable?
Le premier film post 13 novembre
Selon Mickaël Hers, la réponse n’a pas tellement d’importance, à moins que ça ne soit une évidence. Non ce qui compte pour lui, c’est le contexte – d’où cette longue exposition insaisissable dans laquelle les gens heureux n’avaient pas d’histoire. Un contexte qui va brutalement se rappeler à cette génération des 20, 30 ans happés en pleine insouciance.
La délicatesse du réalisateur le pousse à ne filmer qu’une sorte de métaphore visuelle – peut-être encore plus angoissante parce que la tuerie se passe en plein air – des attentats du 13 novembre2015. Sans s’appesantir du tout. Il s’agit d’une esquisse et l’on passe à l’après. L’après est douloureux. Mickaël Hers le souhaite pourtant solaire, porteur d’un espoir pour cet enfant qui a tout perdu. Il interroge un individu sur ce qui fut un questionnement collectif. Quelles responsabilités avons-nous refusé de prendre pour qu’un telle horreur surgisse et nous affecte autant?
Assurer l’avenir
La métaphore est subtile et délicatement mise en scène. C’est David de répondre et d’assumer par son choix, la génération qui suit la sienne. L’avenir donc. Et David, c’est Vincent Lacoste qui joue, toujours avec la même justesse, le mec cool, incertain, détruit ou amoureux. Amanda (Isaure Multrier) sera son socle et son futur. La vie, en somme.
De Mickaël Hers, avec Vincent Lacoste, Isaure Multrier, Stacy Martin, Marianne Basler, Greta Scacchi…
France – 2018 – 1h47