Alice et le maire
Le maire de Lyon, à court d’idées, embauche une jeune philosophe pour l’aider à en trouver. Sans être un pamphlet, Alice et le maire de Nicolas Pariser sonde avec le sourire les carences de la politique d’aujourd’hui. Le film était présenté à la Quinzaine des réalisateurs 2019.
La politique du vide
Alice, une jeune femme sur-diplômée mais sans vocation, est embauchée à la Mairie de Lyon. Pour y faire quoi? Réfléchir, trouver des idées. On ne saura rien du pourquoi, ni du comment elle se retrouve là. Elle non plus d’ailleurs. Mais, elle y est et comprend vite ce qu’on attend d’elle. Qu’elle écrive des fiches pour le maire, qui la convoque de temps à autre, pour en discuter.
Pour trouver l’inspiration, elle suit de temps à autre le maire auprès de ses administrés et à des réunions de travail de son cabinet. Et cela lui suffit pour rédiger une note sur la modestie qui confirme son emploi.
Penser ou agir
Au fur et à mesure qu’elle prend de l’aisance et l’importance auprès de l’édile, elle met en danger les agissements de tous ses collègues, voire même ceux du maire, pourtant en poste depuis 30 ans. A vrai dire, réfléchir, prendre du recul menace l’action du maire et de son staff.
Comme le dit joliment Nicolas Pariser, le réalisateur, « je me demande pourquoi ceux qui agissent ne pensent pas et pourquoi eux qui pensent n’agissent pas ? Je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui agissait et qui s’est mis à penser ».
(Sans) vocation?
Etrangement, le réalisateur a choisi de poser son film à un endroit précis : Lyon. On pense donc immédiatement à Gérard Collomb qui s’attache à son poste de maire, sans avoir brillé par ses idées au niveau national. Fabrice Lucchini qui incarne le rôle du maire ne lui ressemble pas et ne joue pas sur l’ambiguïté. Il interprète un maire hors de toutes références, un homme qui a été visionnaire et a su manager sa ville mais, qui, sans perdre la vocation – je ne sais rien faire d’autre, prétend-il- a l’intelligence de se rendre compte qu’il n’est plus aussi inspiré.
Face à lui, Anaïs Demoustier joue, encore une fois, la parfaite « étudiante », un peu transparente, mais que sa loyauté à ses idéaux va sauver. Sans rien faire de plus. Elle est comme une bouée de sauvetage pour le maire qui la propulse toujours plus haut. Mais de la dynamite pour le fonctionnement bien huilé de la mairie et de ceux qui aspirent à y faire carrière.
Folle lucidité
Inspiré aux dires de Nicolas Pariser, de L’homme sans qualité de Robert Musil et de L’Arbre, le maire et la médiathèque d’Eric Rohmer, ce film interrogatif sur la vacuité de la politique d’aujourd’hui est composé à partir de dialogues brillamment écrits. Peut-être même plus brillants que le film n’est construit.
De plus, il s’attaque avec pertinence et originalité à un domaine déserté par le cinéma français. Un milieu que Nicolas Pariser semble maîtriser. Tous ses films – ses trois courts-métrages et son premier long, Le grand jeu – en traitent tous. Rien que pour cette pertinence, pour cette volonté d’interroger la démocratie comme elle tourne mal, Alice et le maire mérite une attention soutenue. Est-ce la lucidité qui la rend folle ou la folie lui la rend lucide ? se questionne même un personnage. Et c’est tout le débat que devrait poser ce film.
De Nicolas Pariser avec Fabrice Luchini, Anaïs Demoustier, Nora Hamzawi, Leonie Simaga…
2018 – France – 1h45
Alice et le maire de Nicolas Pariser est présenté le 18 mai 2019 à la Quinzaine des réalisateurs.