Femmes et cinéma, sois belle et tais-toi !
Quelle place ont les femmes au cinéma? Une portion congrue et difficile à défendre, explique Brigitte Rollet, dans Femmes et cinéma, sois belle et tais-toi!, son nouveau livre.
La place des femmes au cinéma
Quand vous dites que vous vous intéressez à la place des femmes dans le cinéma, au mieux votre interlocuteur vous regarde interloqué (ah bon? C’est un sujet ça?) au pire, il ne soulève même pas un sourcil. Et il passe à autre chose.
Désormais, il suffira de lui glisser entre les mains Femmes et cinéma, sois belle et tais-toi ! le livre de Brigitte Rollet, chercheuse au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines et enseignante à Sciences-Po, pour qu’il se renseigne. Car, en moins de 80 pages et dans un style alerte, l’auteure fait le tour de la question. Son essai n’a pas d’autre ambition que de faire le point sur une situation qui évolue peu. Et cela, malgré des mouvements récents. Et cette mise au point est parfaite. Courte mais suffisamment précise et nourrie pour être utile.
En six chapitres percutants et argumentés, cet essai dresse un état des lieux pertinent et actualisé. En préambule, Brigitte Rollet revient sur ces femmes que le temps -et une certaine volonté masculine- a effacé de l’histoire du cinéma. Certaines ont réussi à trouver leur place comme Alice Guy ou Lois Weber. D’autres l’ont revendiqué comme Delphine Seyrig. Quand d’autres telles Bette Davies, Jane Fonda n’ont pu que constater celle qu’on leur réservait.
Et ont lutté pour s’imposer. Au mieux sur les écrans quand elles sont actrices, dans des rôles souvent stéréotypés. Au pire, tenues à distance très respectables des écrans quand elles sont réalisatrices. Les rétrospectives, les institutions les ignorent encore. Elles sont pourtant désormais plus nombreuses que les garçons à sortir des écoles prestigieuses.
Chiffrer c’est identifier
Forte de ce constat, Brigitte Rollet aborde ensuite sa quantification. Elle respecte l’axiome suivant lequel » ce qui n’est pas mesuré est invisible ». Et justement, toutes les études citées le prouvent, les données sont encore plus cruelles. Dans le meilleur des cas – La France aime à revendiquer son rang de première de la classe, ce que relativise l’auteure -, les femmes ont « droit » à un quart du gâteau du cinéma. Mais cela avec des aides et des budgets moindres, des sorties moins étoffées, des salaires amputés. Aux Etats-Unis, autre pays étudié, on a coutume de dire que « concernant les blockbusters, Hollywood a, en proportions, moins de femmes cinéastes que l’armée n’a de femmes générales »! Et ce n’est pas le succès du Wonder Woman de Patty Jenkins qui suffira à le démentir.
Pour que ça change !
La fin du livre fait un tour d’horizon bienvenu de la plupart des initiatives prises pour tenter de faire bouger les lignes. On peut toutefois lui reprocher l’éthnocetrisme habituel qui consiste à ne s’intéresser qu’à l’Europe (du nord surtout), à la France et aux Etats-Unis. Un coup d’oeil sur l’Argentine, où les femmes ont un temps pris le pouvoir sur le cinéma – à tous les postes clés !- ou sur d’autres pays inattendus, l’Iran par exemple, aurait été pertinent.
Mais, l’essentiel est atteint : un ouvrage simple, pédagogique et instructif, à un prix plus qu’abordable Voilà l’outil qui manquait pour défendre cette cause tellement injuste.