Tirez la langue mademoiselle
d’Axelle Ropert
Le plus intéressant dans le deuxième film d’Axelle Ropert, critique de cinéma aux Inrocks, c’est son titre (et son affiche, très sensuelle). « Tirez la langue mademoiselle », est-ce une incitation un peu surannée mais charmante à une impolitesse d’enfant? Une allusion médicale? Ou alors une manière discrète et un peu coquine d’envoyer quelqu’un se faire foutre? C’est évidemment un peu de tout cela à la fois, du moins au niveau des intentions de sa réalisatrice. Malheureusement, elle n’a pas su (voulu?) choisir et du coup, on reste en suspension. Comme ses personnages.
Les deux font la paire
Ils sont deux frères, pas jumeaux, mais quasiment siamois, médecins auscultant de concert (qui a déjà vu ça?), habitant face à face et se surveillant entre eux comme du lait sur le feu. Et évidemment, ils vont tomber amoureux de la même femme. Un soir, ils sont appelés par une gamine, diabétique, restée seule chez elle. Ils sont consciencieux, elle est attachante. Surtout, sa mère qu’ils rencontrent un peu plus tard, est superbe et mystérieuse. Ils en tombent raide dingues, l’un comme l’autre. Serait-ce la faille qui va les séparer? Ou leur fraternité sera-t-elle plus forte que tout?
Il n’y a pas vraiment de suspense, ce n’est pas le but de ce film qui se ressent plutôt comme une balade nocturne dans le XIIIème arrondissement de Paris, au coeur des tours de la porte de Choisy et du quartier chinois. Un endroit rarement filmé, selon Axelle Ropert, ce qu’on lui accorde volontiers. Sauf qu’elle n’y parvient pas très bien. On a l’impression d’être étriqué entre ses tours, offerts aux vents qui ne semblent passer… que la nuit! Elle ne réussit pas à capter l’âme un peu étrange de ces ensembles grandis trop vite, de ces lieux de passage impersonnels où se croisent les populations les plus variées.
A trop peu vouloir en dire
Il y a a pire. Ce film souffre d’un syndrome de plus en plus répandu et horripilant. « J’aborde un sujet, je l’esquisse mais comme j’angoisse à l’idée d’être trop explicite, je ne vous dirai rien du pourquoi, ni du comment ». On ne comprendra donc jamais la relation anormale, la co-dépendance maladive de ses deux frères dont l’un ne se remettra pourtant pas. C’est à peine si leur mère est évoquée à un moment. Ce qui est dommage car la piste était intéressante, assez inédite d’ailleurs. Là, c’est totalement frustrant pour le spectateur, d’autant que ce n’est jamais compensé par les émotions fortes qu’on devrait ressentir en regardant cette histoire d’amour. jOn aurait aimé voir les deux frères tomber amoureux. Là, le rythme choisi fait que l’on passe directement de la rencontre au désarroi. Sans émois. Et je ne parle même pas de leur destin. Et ce n’est pas une question d’acteurs qui sont au diapason. Du coup, sans pouvoir s’accrocher à du tangible, l’ennui gagne. Dommage.
D’Axelle Ropert, avec Louise Bourgoin, Cédric Kahn, Laurent Stocker…
2013 – France – 1h42