Dalida
Solaire et souriante, Dalida s’est suicidée il y a 30 ans. Elle n’a pourtant jamais été aussi vivante. Lisa Azuelos nous explique pourquoi avec ce biopic dramatique mais chantant.
Une étoile cernée
On pensait tout savoir sur Dalida, chanteuse dont le succès s’est étalé de 1957 à sa mort en 1987. Cet artiste solaire à l’accent italien a connu la lumière toute jeune et son succès public, immense, ne s’est jamais démenti. Il s’est même renforcé après son suicide.
Mais, si sa carrière professionnelle s’est déroulée sans nuage, sans traversée du désert, sa vie privée fut un enfer. En mêlant astucieusement ses chansons à ses drames intimes, Lisa Azuelos, elle-même fille de la chanteuse Marie Laforêt, signe un biopic imparfait mais intéressant.
Les premiers hommes
Le début du film est abrupt. Il commence par le premier suicide de Dalida, celui qu’elle rate en 1967. Par un jeu complexe et non chronologique de flash-backs, pas tous pertinents, le biopic revient sur les débuts de la chanteuse. Son enfance au Caire, sa maladie des yeux, sa relation frustrée avec son père basée à la fois sur l’admiration, le partage de la musique et sur son absence.
Etrangement, le film passe sur ses prix de reine de beauté et sur ses débuts ratés d’actrice à Paris pour s’attarder sur le radio-crochet qui a décidé de sa carrière. Lucien Morisse, son futur mari et directeur des programmes d’Europe 1, y assiste. Il tombe amoureux d’elle et s’attelle à en faire la nouvelle vedette de la chanson française. Leur collaboration fonctionne au-delà de leurs espérances. Bambino est un triomphe. Puis elle se heurte à un coup de foudre que Dalida aura pour un certain Boris Sobieski.
La fabrication d’une icône
Lucien Morisse aura beau vouloir se venger en ruinant sa carrière, Dalida a déjà le vent en poupe. Rien n’arrêtera plus son succès. Enfin, si. Ses hommes. Autant sa vie publique sera solaire, l’amour du public fidèle, autant celui de ses hommes sera chahuté et complexe, teinté de jalousie et d’un sens du morbide à peine croyable.
Le récit continue jusqu’au premier suicide d’un de ses amoureux. Celui de Luigi Tenco, dont elle est la marraine et l’amante et qui échouera piteusement au Festival de San Remo. Elle tentera de le rejoindre dans la mort. Une tentative ratée in-extremis.
Dalida ou la famille contrariée
La deuxième partie du film devient plus chronologique, malgré d’autres flash-backs, sur son enfance notamment. A tâtons et avec trop d’ellipse, Lisa Azuelos tente de montrer que le drame de la vie de Dalida fut son père. Mais, cela reste une piste plus évoquée et pas vraiment traitée.
D’autres énigmes hantent ce film qui pose parfois plus de questions qu’il ne donne de réponses : pourquoi son frère Bruno devient-il soudainement Orlando, prénom de l’aîné qui disparaît de l’écran sans explication? Qui est ce petit enfant baptisé Luigi? Qui sont ceux qui l’entourent et quelles influences ont-ils vraiment? La saga de cette famille italienne déracinée, coincée entre plusieurs cultures, est en suspens. Sans doute parce que le film est adapté du livre d’Orlando Dalida, mon frère tu écriras mes mémoires et qu’il a choisi de ne dévoiler qu’une partie de leur intimité.
L’amour, le drame de Dalida
D’homme en homme, de drames en drames, ce biopic devient mieux construit dans cette deuxième partie. On comprend que la réalisatrice la cerne alors mieux. Et surtout, Lisa Azuelos réussit à intégrer intelligemment les chansons à succès avec l’intimité de la chanteuse. Elle lance le hit quelques secondes avant la scène et il devient alors évident que Dalida racontait sa vie, ses émotions dans ses chansons. Qu’elle prenait son public pour un confident qui le lui rendait bien. Et cela, même quand les textes n’ont pas été écrits pour elle.
Sa sincérité devient alors sa force. Elle sera aussi sa faiblesse, la poussant dans une solitude qu’elle ne peut supporter. C’est pourtant dans ces moments que surgissent les plus belles scènes du film : sa liaison avec un jeune homme de 18 ans ou sa relation extraordinaire avec un escroc beau-parleur qui finira, lui aussi, par se suicider. Nicolas Duvauchelle, qui l’interprète, est ici sidérant!
Une oeuvre sincère
Happée par le drame, cernée par la mort, la vie de Dalida arrive alors son terme. Et ce sont pas les rares bonnes nouvelles – son retour au Caire, le rôle que lui offre Youssef Chahine dans Le sixième jour etc…- qui la sortiront de sa longue dépression, de son anorexie et de sa solitude. Le film devient alors pesant, dramatique et agonise en musique avec notamment par Mourir sur scène.
Il est toutefois incontestable que Lisa Azuelos, la réalisatrice de Lol, a été aspirée par son sujet, convaincue de donner une nouvelle vie à Dalida. Et qu’elle s’y est sincèrement intéressée, sans forcément complètement la comprendre. Une des preuves est le casting formidable qu’elle a réuni pour le film. Sveva Alviti, sans lui ressembler outre-mesure quand on met leur photos côte-à-côte, est éblouissante, bien que débutante. Et tous ses hommes, Nicolas Duvauchelle et Riccardo Scarmaccio en tête, pertinents. Idem pour la reconstitution des costumes, des époques. Elle est sincère sans être une copie et donne un beau relief au projet.
Bien que ce film arrive après un téléfilm réussi et une pléthore de revivals consacrés à la chanteuse, le film en apprend encore sur Dalida, tout en laissant des zones d’ombre. Sa passion pour la mode par exemple sera bientôt explorée lors d’une exposition que lui consacrera à compter d’avril 2017 le Musée Galliera.
De Lisa Azuelos avec Sveva Alviti, Riccardo Scamarcio, Jean-Paul Rouve, Nicolas Duvauchelle, Vincent Perez, Patrick Timsit…
2016 – France/Italie – 2h03
© Luc Roux