Les Tops 5 de Jacques Audiard

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Avec Emilia Perez, Jacques Audiard a bouleversé le Festival de Cannes 2024 et montré qu’il était un réalisateur ancré dans son époque. Puisqu’il interroge depuis longtemps et à sa façon le patriarcat, Cine-Woman lui a demandé quelles femmes cinéastes ou actrices l’avaient inspiré.

Les choix de Jacques Audiard

Les femmes et le 7ème art, c’est une longue histoire mal connue. Pour l’honorer, Cine-Woman demande à tou.te.s les 5 films de femmes et les 5 rôles féminins qui les ont marqué.e.s. C’est au tour de Jacques Audiard de nous confier ses listes.

Jacques Audiard, fils de Michel, est tombé tout jeune dans le cinéma. Mais, il a pris son temps avant de devenir réalisateur. D’abord monteur puis scénariste, il signe à 42 ans son premier film, Regarde les hommes tomber. « Avec un tel titre, j’annonçais déjà le programme », s’amuse-t-il.

Interroger le patriarcat

C’est vrai que depuis ses débuts de cinéaste, Jacques Audiard questionne principalement deux sujets : « la filiation » – surtout le rapport père-fils – et « la violence ». Certains de ses films le portent dans leur titre, d’autres non. On peut par exemple s’amuser des Frères Sisters.  « C’est aussi vrai, mais sur un mode différent, celui la fraternité », nuance-t-il.

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Jacques Audiard dirigeant ses actrices Zoé Saldana et Karla Sofia Gascon sur le tournage d’Emilia Perez

Emilia Perez franchit incontestablement un pas de plus. A-t-il voulu faire un film sur la fin du patriarcat ? « Bien sûr que ça faisait partie du projet. Mais, la fin du patriarcat signifie-t-elle l’abandon de la violence ? On peut en avoir l’espoir. Malheureusement, je ne le crois pas » conclut-il. Son actrice, Karla Sofia Gascon, récompensée auprès des trois autres interprètes du Prix d’Interprétation féminine au Festival de Cannes 2024, suggère que « la fin du patriarcat, c’est déjà le début de la liberté. « Sans doute, s’aventure Jacques Audiard en retour. C’est en tous cas la fin de certaines injonctions, et donc d’une brutalité, peut-être même d’une certaine violence ».

Un opéra transgenre

Jacques Audiard a déjà prouvé à quel point le sujet était important à ces yeux. Il fut un des rares hommes de cinéma de sa stature à soutenir le Collectif 50/50 à ses débuts puis à prendre la parole dans un grand festival – à Venise – pour dénoncer l’absence de parité à sa tête. « Pour moi, ce sont des sujets obsolètes, avance-t-il. J’ai le sentiment étrange que les esprits ne vont pas à la vitesse de l’époque, ce décalage peut me rendre fou ». Il perçoit pourtant une évolution. « Quand j’ai commencé, les équipes n’étaient composées que de mecs. Ca m’a tellement choqué que j’ai failli arrêter, se souvient-il. Et puis, les plateaux ont changé et les écoles de cinéma ont fini par faire leur travail ».

 

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Jacques Audiard

Emilia Perez revient sur le sujet « avec un explicite beaucoup plus fort que mes -neuf – films précédents, Sans doute parce qu’au départ, j’ai écrit un opéra. Or, il n’y a pas de psychologie dans un opéra. Des sentiments, oui, mais pas de raffinement psychologique. Un opéra avance de manière brutale, les personnages sont des archétypes. D’une certaine façon, mon film ne ment pas avec son ADN, affirme Jacques Audiard. Emilia Perez est vraiment transgenre et va de la telenovela à la comédie musicale en passant par le film narco ».

Les confidences de Jacques Audiard

Puisqu’il s’amuse à transcender les genres, Cine-Woman lui a demandé quels étaient ses films de réalisatrices préférés et les actrices qui l’avait le plus marqué. S’agissant des femmes cinéastes, il a reconnu qu’elles avaient bien besoin d’être mises en avant. Il n’a choisi que des films relativement récents, a hésité à citer Un ange à ma table de Jane Campion mais pas Agnès (Varda). « Certaines parmi celles que j’ai choisies sont débitrices de Varda bien sûr », a -t-il précisé.

Sa sélection concernant les actrices est beaucoup émotionnelle. Cette fois, il s’agit de figures de femmes qui l’ont construit en tant qu’homme. Et ce n’est pas tous les jours que Jacques Audiard se laisse aller à ce genre de confidences… Il a donc été généreux en citant au moins six films de réalisatrices et sept actrices, les premières sans ordre préétabli, les secondes avec une certaine chronologie, la sienne !

Mes films de réalisatrices préférés

1 – Golden eighties de Chantal Akerman (1986)

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Golden eighties, la comédie musicale de Chantal Akerman

Je rends à Chantal Akerman ce qui appartient à Chantal Akerman. Je garde un souvenir ému de son salon de coiffure et des petites femmes de ménage auxquelles je fais référence à ma façon dans Emilia Perez. Chantal, j’ai pensé à toi !

2 – Grave de Julia Ducournau (2016)

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Garance Marillier (Justine), l’héroine de Grave

J’ai beaucoup aimé ce film que j’ai trouvé très, très original. Un des meilleurs films gore que j’ai vus ! Le gore est un genre cinématographique que je n’aime pas du tout mais Julia Ducournau en fait vraiment quelque chose de magnifique.

3 – Belle épine de Rebecca Zlotowski (2010)

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Prudence (Léa Seydoux) dans Belle Epine

Je rencontre Rebecca au moment où elle réalise ce film qui lui est très proche, très personnel. Ce qui lui donne beaucoup de charme à mes yeux.

4 – Winter’s bone de Debra Granik (2010)

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Ree (Jennifer Lawrence) tente de sauver sa famille au fin fond du Missouri

Debra Granik est ici l’ethnographe d’une époque et d’une une population dont nous n’avons pas l’ombre d’une connaissance ici, des rednecks abandonnés et caciques. J’ai vu ce film pré-Trump plusieurs fois. Il a toutes les qualités d’un documentaire de fiction avec une galerie de personnages extraordinaire. Très très étonnant !

5- Toni Erdmann de Maren Ade (2016)

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Inès (Sandra Hüller) est attachée à son père (Peter Simonischek) Toni Erdman

Le film le plus spirituel sur la filiation, avec l’actrice exceptionnelle : Sandra Hüller. Je l’avais rencontrée à l’époque mais sans avoir de rôle suffisamment important à lui donner. Ce film très drôle aborde aussi le patriarcat en posant la question suivante : entre un père surnormal ou surbarré, lequel est préférable ?

6 – La bataille de Solférino de Justine Triet (2013)

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Laetitia (Laetitia Dosch) surnage un jour de Présidentielles à Paris

C’est avec ce film que je découvre Justine Triet, mais j’aurais pu citer tous ses films ! J’ai évidemment adoré Anatomie d’une chute mais je tiens à qu’on se souvienne qu’elle a réalisé d’autres films. Elle a inventé quelque chose en donnant un emploi à Virginie Efira – que je découvre grâce à elle- celui de la jolie fille intelligente qui se prend les pieds dans le tapis et enchaine les râteaux. Je trouve merveilleux qu’elle ait réussi à faire endosser cela à Virginie Efira dans Victoria et dans Sybil. Un peu comme l’avait fait Woody Allen avec Diane Keaton. Virginie Efira m’a donné des idées pour le personnage de Noémie Merlant dans Les Olympiades.

Les actrices qui ont inspiré Jacques Audiard

Réputé très bon directeur d’acteurs, Jacques Audiard reconnait que ce n’est pas la même chose de diriger des actrices ou des acteurs, sans toutefois savoir expliquer la différence. « Quand je m’adresse à des actrices, je dis toujours : « Allez les gars ! On y va les gars ! », s’amuse-t-il.

Sa liste d’actrices et les arguments qu’il emploie pour justifier ses choix montrent que celles qu’il a retenues ont autant satisfait ses émotions de cinéphiles qu’elles ont participé à le construire en tant qu’homme. Il constate que «  depuis les années 1980, le cinéma occidental a muté et qu’il ne remplit plus cette fonction d’éducation et d’identification.

1 – Françoise Fabian dans Ma nuit chez Maud d’Eric Rohmer (1969)

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Jean-Louis (Jean-Louis Trintignant) et Maud (Françoise Fabian) échangent sur l’amour dans Ma nuit chez Maud

C’est là que tout commence ! Je dois avoir 14 ou 15 ans – 17 ans ndlr- quand je vois le film. Je le revois quatre fois dans la même semaine. Il se passe incontestablement quelque chose… J’ai le sentiment d’être invité à écouter de grandes personnes parler d’amour, sans le faire forcément, et c’est extraordinaire. Ce film a eu une forte puissance éducative sur moi. Tellement forte que j’invite Jean-Louis Trintignant pour mes deux premiers films. J’aurais bien aimé travailler avec Françoise Fabian. Dans Ma nuit chez Maud, elle est à l’unisson avec Trintignant et représente la sensualité à l’état pur.

2 – Anna Karina dans Pierrot le fou de Jean-Luc Godard (1965)

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Marianne (Anna Karina) et sa ligne de hanches, sa ligne de chance

Encore un film qui m’a éduqué, mais à un autre stade. Avec Anna Karina, je découvre comment s’habille, marche, parle, chante une jeune femme. C’est tout à coup un prototype marquant. Et tellement de charme !

3 – Mireille Perrier dans Elle a passé tant d’heures sous les sunlights… de Philippe Garrel (1985)

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Marie (Mireille Perrier)

Parce qu’il ne faut pas oublier ce film qui représente pour moi un autre moment, un autre âge et une autre figure féminine.

4 – Penelope Cruz dans Volver de Pedro Almodovar (2006)

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Raimunda (Penelope Cruz)

Je lui ai proposé de jouer dans Emilia Perez mais malheureusement, elle n’était pas disponible. Mon film a quelque chose d’Almodovar et c’est complètement assumé. Penelope Cruz est la figure féminine de ce cinéma-là tout en ayant une carrière merveilleuse, riche de gros, grands et de petits films.

5 – Marlene Jobert dans Nous ne vieillirons pas ensemble de Maurice Pialat (1972)

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Marlène Jobert est Catherine, maltraitée par son compagnon

Comment regarde-t-on un film comme celui-là aujourd’hui ? C’est un exemple intéressant de ce qu’il était possible de réaliser mais qui serait impossible à penser aujourd’hui. Et ne parlons pas de diriger un comédien et une comédienne pour le jouer… Et pourtant, Marlene Jobert y est extraordinaire.

6- Meryl Streep dans Out of Africa de Sydney Pollack (1985)

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Karen (Meryl Streep), épouse délaissée sous le charme de l’aventurier Denys (Robert Redford)

Parce que Meryl Streep tout le temps, dans tous ses films. J’aime particulièrement celui-là pour une réplique. Quand Robert Redford lui lave les cheveux et qu’elle lui dit « Faites attention ! A partir de maintenant je vais croire tout ce que vous allez dire ». J’adore ce film.

7- Ingrid Bergman dans Les Enchaînés d’Alfred Hitchcock (1946)

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Alicia (Ingrid Bergman) et Devlin (Cary Grant)

J’aurais pu citer des œuvres de Rossellini ou beaucoup d’autres films dans lesquels jouent Ingrid Bergman. J’ai choisi Les Enchainés, pour la scène à la fois d’amour et de rupture où elle est sur un banc aux côtés de Gary Grant qui joue double face, l’image en transparence derrière lui. C’est bouleversant !

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