Eat the night
Un film comme un jeu vidéo ? C’est le pari partiellement réussi de Eat the night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel projeté le 21 mai 2024 à la Quinzaine des Cinéastes.
Mondes parallèles
Apo (Apolline) ne vit que pour son frère aîné Pablo et le jeu vidéo d’heroic fantasy Darknoon. Ado délaissée par ses parents, elle s’est crée un avatar hyper sexualisé. Il faut dire qu’elle dessine très bien. C’est Pablo qui l’a initiée à Darknoon, devenu leur mode de communication privilégié. Aussi quand un message annonce l’arrêt définitif du jeu en ligne, Apo est en panique.
Au même moment, Pablo s’évade. Dealer de l’ecstasy qu’il fabrique clandestinement, il a empiété sur un territoire détenu par d’autres. Sa vie est menacée mais le danger lui permet de rencontrer Night dont il tombe amoureux. Maintenant que les enjeux triangulaires du film sont posés, comment va évoluer cette intrigue à la fois réelle et virtuelle ?
Le réel plus fort que le virtuel
Si le film débute vraiment dans le monde cyber des jeux vidéos, il le quitte bientôt – et trop radicalement- pour s’attarder sur la très belle relation entre Pablo et Night. Elle est d’autant plus forte qu’elle est dans le monde réel, qu’elle est constamment menacée par les provocations et la violence du trafic de drogue et par l’insolence du beau Night. De là, sans mettre de côté l’histoire d’amour, le film prend l’aspect d’un thriller à la mode revenge movie mais en oubliant complètement Apo et Darknoon. Quelques scènes maladroites remettent en lice la jeune fille, notamment en évoquant avec lourdeur sa mésentente avec son père.
Au crépuscule du film toutefois, le jeu vidéo et son compte à rebours final reprend sa place dans l’intrigue. Mais c’est un peu tard et sans beaucoup d’espoir. C’est dommage car le film garde de vraies qualités, comme la belle mise en scène de la relation amoureuse entre Pablo et Night. Elle est joliment construite, bien interprétée et inattendue.
Game pas complètement over
Dans une mesure moindre, la violence revancharde est elle aussi bien traitée, parfois de manière spectaculaire. Les insertions dans le jeu vidéo, pourtant trop déconnectées de l’intrigue au cœur du film, sont elles aussi spectaculaires mais elles ne s’installent que trop tard dans le récit pour être vraiment réussies. La fin du film est bien pensée, pas convenue et suffisamment bien réalisée pour qu’on s’en souvienne longtemps après.
Eat the night a suffisamment de qualités – le couple Théo Cholbi et Erwan Kepoa Falé est vraiment convaincant, ce qui n’est pas le cas de la jeune Lila Gueneau – et notamment pour un public consommateur de jeu video, donc plus jeune pour donner envie d voir la suite du travail du couple de cinéastes que forment Caroline Poggi et Jonathan Vinel. Ils ont déjà remporté un Ours d’Or à Berlin pour leur court-métrage Tant qu’il nous reste des fusils à pompes. Eat the night est leur deuxième long métrage, après Jessica Forever.
De Caroline Poggi et Jonathan Vinel, avec Théo Cholbi et Erwan Kepoa Falé, Lila Gueneau…
2024 – France – 1h46
Eat the night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel sera présente le 21 mai 2024 à la Quinzaine des cinéastes. Sa sortie dans les salles française est prévue le 17 juillet 2024.