Je m’appelle hmmm…
On la savait styliste, galeriste, innovatrice, photographe, productrice, mécène etc., agnès b. est aussi cinéaste. Elle réalise son premier film, Je m’appelle hmmm… un film dur mais plein de charme.
Faux coupable
Je m’appelle hmmm… est sa première fiction. agnès b. l’a écrite il y a 13 ans en deux jours mais le film a mis des années à voir le jour. Parce qu’il aborde l’inceste, ce qui a considérablement compliqué les recherches de financement – elle l’a donc produit elle-même au final –. Cela lui a aussi valu d’être bloqué par la DDASS qui en a empêché le tournage pendant des années.
Finalement, le film a vu le jour, a été sélectionné à la 70e Mostra de Venise et dans tout un tas d’autres festivals, à New York, à Abu Dhabi, à Sarajevo…
Ras le bol de l’inceste
Il faut dire que son propos est intéressant et sa recherche esthétique, avec des variations de la matière de l’image, plutôt réussie. Surtout dans sa longue première partie.
Hmmm… alias Céline, une petite fille de 12 ans, n’en peut plus. Sa mère travaille trop, son père, au chômage, déprime. Et c’est donc à elle que revient la charge de la maison, de ses petits frère et sœur. Elle doit aussi satisfaire les pulsions sexuelles de son père.
Je m’appelle hmmm… et je fugue
Si tout le monde remarque qu’elle a bien changé dernièrement, personne ne soupçonne son père d’en être la cause. A la faveur d’un voyage scolaire, Céline va prendre la poudre d’escampette auprès d’un camionneur écossais qui va la comprendre et parfaitement s’occuper d’elle.
Finalement, Céline est beaucoup plus en sécurité auprès d’un inconnu qu’auprès de son propre père. Les apparences et les conventions sont trompeuses. La fuite de la petite et du chauffeur de camion ne pouvait effectivement que mal se terminer.
Se méfier des jugements hâtifs
La longue première partie du film (disons de l’introduction à la moitié du road-movie) est parfaite. Les enjeux sont posés, les sujets évoqués puis traités sans lourdeur. On frémit même souvent pour cette fillette, de notre incapacité à comprendre ce qui la rassure dans cette fuite et à juger trop tôt l’homme qui va la sauver.
Ensuite, quand leur fuite délaisse les plages infinies de la côte Aquitaine- petite émotion quand le film traîne au Porge où j’ai passé des dizaines de journées de plage qui finissaient inlassablement au bistrot du coin à siroter une menthe à l’eau, là où nos deux héros assument leur première « sortie publique » – quand leur convoi traverse l’estuaire de la Gironde, leur épopée, même si elle reste encore charmante à Royan (l’Eglise) perd de sa substance quand elle devient l’occasion de rencontres étranges, sauvages qui n’apportent pas grand chose au récit.
Apprendre à finir
On sait d’avance que le camionneur va « tomber » et que la petite retournera chez elle. On imagine moins la fin brutale du film évidemment, mais cela n’a plus beaucoup d’importance.
Dommage donc que la seconde partie soit moins conséquente que le début du film, moins dense, et cela même si les acteurs, la petite Lou-Lélia Demerliac et Douglas Gordon, artiste plasticien qui signe ici son premier rôle au cinéma en tant que camionneur, sont parfaits du début à la fin. Il n’en reste pas moins que la première réalisation d’agnès b. brille par sa sensibilité et par la profondeur de son propos. Et c’est déjà beaucoup.
D’Agnès Troublé dite agnès b., avec Lou-Lélia Demerliac, Sylvie Testud, Jacques Bonnaffé, Douglas Gordon…
2013 – France – 2h01
©Love streams agnès b. production