Les Tops 5 de Catherine Corsini

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Les femmes et le 7ème art, c’est une longue histoire mal connue. Pour l’honorer, Cine-Woman demande à tou(te)s les 5 films de femmes et les 5 rôles féminins qui les ont marqués. La réalisatrice Catherine Corsini, Prix Alice Guy 2019 pour Un Amour impossible, nous a confié ses listes.

Les choix de Catherine Corsini

Catherine Corsini a à peine bouclé la promotion internationale d’Un amour Impossible qu’elle s’est déjà remise à écrire. Lauréate du Prix Alice Guy 2019 pour cette adaptation du roman de Christine Angot, elle revient sur son parcours, ses engagements et sur ses goûts de cinéma.

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Catherine Corsini reçoit le Prix Alice Guy 2019 pour son film Un amour impossible

Quand on lui demande comment est née son envie de cinéma, Catherine Corsini parle d’un écheveau compliqué qui s’est dénoué peu à peu. « Je voulais très fort être actrice, se souvient-elle. Mais je me sentais comme une personne qu’on n’arrivait pas à caser dans un emploi fixe. Je me sentais mal et ne trouvais pas normal de ne pas pouvoir m’exprimer. Je voulais prendre une place à tout prix. A un moment, ce fut possible au cinéma. Ce n’était pas un choix mais c’était plus naturel qu’au théâtre ».

Du théâtre au cinéma

Catherine Corsini a pourtant commencé le théâtre à l’âge de 8 ans. « A l’école, l’été en montant des spectacles avec des copains, partout, tout le temps et n’importe comment », résume-t-elle. « J’ai su très tôt que j’étais attirée par la chose artistique, les textes, le rapport à l’imaginaire. J’avais en horreur l’idée de faire un métier, de devoir gagner ma vie. Et j’étais terrorisée à l’idée que cela ne puisse pas se faire ! ». Elle a pourtant grandi dans une famille étrangère à ce milieu. Même si son père, décédé quand elle était très jeune, avait eu des velléités d’être acteur ou metteur en scène. Quand elle montre son premier court-métrage, sa mère s’étonne : « Comment as-tu fait, puisque tu ne connaissais personne ? ».

Un revolver sur la tempe

Sa volonté prend corps au cinéma. « Le cinéma a tout d’un coup porté ma parole de manière plus forte, plus singulière, plus personnelle que le théâtre où j’étais obligée de me cacher dans des rôles, derrière des auteurs, des metteurs en scène. Il y avait trop d’intermédiaires pour que je puisse m’exprimer », explique-t-elle. Elle ne s’y sent pas légitime pour autant. « J’ai eu l’impression de rentrer par la petite porte. J’ai pris ma place en ayant l’impression que je n‘y avais pas droit. Quand j’ai réalisé mes courts-métrages, j’ai pensé que c’était une parenthèse, que je redeviendrais actrice. Finalement, non ».

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Catherine Corsini à la remise du Prix Alice Guy 2019

Le succès et la reconnaissance de ces films courts, primés en festivals, finiront par la convaincre d’aller « là où ça sourit. Pour moi, c’était une question de vie ou de mort. J’avais un revolver sur la tempe . Si ça ne marchait pas, j’allais tirer. Je me suis mise une pression de dingue… que je me mets encore parfois. Mais, c’est aussi mon moteur », avoue-t-elle.

Une éternelle quête de légitimité

Aujourd’hui, après dix longs métrages –ce qui reste rare pour une femme cinéaste puisqu’elles ne sont que quelques unes à avoir ainsi réussi une carrière – Catherine Corsini court toujours après la légitimité. « J’ai cru l’avoir l’an dernier en pensant qu’Un amour impossible serait sélectionné au Festival de Cannes… J’ai toujours l’impression de courir après. Je sais que d’autres, des hommes aussi, ont ce sentiment-là. Mais, il est sans doute plus fort chez les femmes. C’est difficile à supporter. Du coup, je dis souvent que le film que je suis en train de faire sera le dernier ! ».

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Karin Viard dans La nouvelle Eve de Catherine Corsini

On se souvient pourtant de l’accueil enthousiaste de La nouvelle Eve qui révéla Karin Viard. « C’est bizarre mais je ne m’en suis pas rendue compte. Ce film a tellement été laborieux à faire – j’ai mis trois ans, une fois le scénario fini  ! -, un tel chemin de croix que j’étais hébétée à sa sortie. Partir a le mieux marché. J’ai pourtant longtemps cru avoir réalisé un objet catastrophique. Les entrées – plus de 500 000- m’ont rassurée, mais j’ai mis du temps à l’apprécier. Je suis de ceux qui regardent le côté négatif … ».

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Un amour impossible de Catherine Corsini, Prix Alice Guy 2019

Mais cette anxiété la pousse vers l’avant. Elle a d’ailleurs déjà commencé à écrire son prochain film. Elle veut tourner vite, avant les deux ou trois années de rigueur. Sans doute pour l’aider à tourner la page finalement malheureuse d’Un amour impossible dans lequel elle avait mis une forte ambition. « C’est, pour moi, un film-somme. Il commence quasiment l’année de ma naissance et se poursuit jusqu’à aujourd’hui. Il déplie de l’intime sur un temps très long, raconte l’histoire des femmes, de la France, d’une catégorie de gens modestes confrontés aux gens de pouvoir. On y trouve l’ignominie, de la noirceur, le courage des femmes, une manière de se révolter par l’intelligence et par la pensée et une réflexion complexe et ambigu sur les relations mère-fille. S’y ajoutent la mise en scène sur le temps, la reconstitution, les ellipses, le récit etc. J’y ai aussi l’honneur de m’appuyer sur un texte formidable qui me donne du recul mais qui m’oppose des problèmes de construction complexes à l’écriture comme au montage ».

Catherine Corsini, en avant ! 

Ce qui explique d’autant plus sa déception cannoise, elle qui avait pourtant eu les honneurs de la sélection officielle pour La répétition en 2001. Celle d’Un certain regard pour Trois mondes en 2012 ou de présider le jury de la Caméra d’or en 2016 et récompenser Divines.

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Izïa Higelin et Cécile de France, les deux héroïnes solaires de La belle saison de Catherine Corsini

En attendant, Catherine Corsini s’attèle donc à l’écriture de son prochain film avec Laurette Polmanss, sa fidèle scénariste depuis La belle saison . Un sujet dont on ne saura rien sinon qu’il est dans l’actualité. « J’ai d’autres idées dont un film d’anticipation que je trimballe et que j’ai envie de reprendre, reconnaît Catherine Corsini. Mais je suis mono-maniaque et n’arrive à travailler que sur un projet à la fois ».

Très cinéphile, elle, qui avoue courir après les films, a pris le temps de réfléchir à ses tops 5 de films de femmes et d’actrices qui l’ont éblouie. Les voilà.

Mes cinq films réalisés par des femmes préférés

1 – Un ange à ma table de Jane Campion (1990)

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Un ange à ma table de Jane Campion

Comme Un amour impossible, Un ange à ma table est le trajet d’une femme sur de nombreuses années, de l’enfance au moment où elle devint écrivain. C’est aussi l’histoire de sa folie, de la manière dont elle est considérée comme folle. Un film merveilleux que j’ai découvert seule et dont je suis sortie bouleversée, enchantée. Ce film fleuve, cette femme, cette maison isolée, cette vie de famille emprunte aux démons, aux traditions, ce milieu pas du tout culturel où évolue cette enfant vive, cette paralysie face à l’amour… , est pour moi, le film d’une vie. Et il y a la façon dont Jane Campion s’exprime par l’image, les couleurs, ces cheveux roux, cette actrice qui se transforme et qu’on n’a jamais envie de quitter, dont on veut devenir l’amie quand elle dépérit. Et cette manière de filmer, puissante mais délicate qui raconte quelque chose sur nous, les femmes, et sur la condition féminine. J’aime tous les films de Jane Campion. Mais Un ange à ma table est celui qui m’a mise dans un état de réception et d’attention absolues ? J’étais en totale osmose.

2 – Certaines femmes de Kelly Reichardt (2017) 

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Laura Dern dans Certaines femmes de Kelly Reichardt

Kelly Reichardt est une cinéaste souterraine qui me respirer des feuilles mortes, l’odeur du printemps, la rosée de manière très sensitive et très émotionnelle. Elle m’emmène toujours sur des chemins détournés, inattendus. Elle n’est jamais là où on l’attend. Je suis toujours touchée par sa manière particulière de voir le monde et de mettre les femmes en valeur. Comme chez Jane Campion, elles sont de vrais sujets. Je ne me vois pas ne pas aller voir leurs films !

3 – Bande des filles de Celine Sciamma  (2014)

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Bande de filles de Céline Sciamma

J’ai sauté dans ce film avec une joie, un plaisir fous ! Enfin, une cinéaste ose filmer des femmes noires, des filles de banlieue qui sortent des stéréotypes. Céline Sciamma en fait des conquérantes, des bagarreuses, des filles vivantes. J’ai aimé ce film pour son audace, son énergie, son sujet, son rapport à la musique et aux décors. Il m’emballe !

4 – Outrage d’Ida Lupino (1950)

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Mala Powers dans Outrage d’Ida Lupino

Moi qui adore Fritz Lang et tout le cinéma noir américain, je découvre au Festival de Créteil qu’une femme dont j’ignorais tout a réalisé un film incroyable à la même époque. Le sujet – le viol- est extrêmement fort. Il est filmé comme un film noir de ces années-là avec un découpage sec comme j’aime, une caméra souvent fixe, une mise en scène dans la profondeur de champs. L’ensemble est incroyable, très construit. Il n’ y avait donc pas que des hommes mais aussi, une femme, une cinéaste majeure. Pourquoi ne parle-t-on pas plus d’Ida Lupino ?

5 – Le bonheur d’Agnès Varda (1965)

J’aime beaucoup de films d’Agnès Varda mais celui-là est très en avance sur son temps. Il date de 1966, et traite, avant 1968, d’un ménage à trois. D’un homme que ça ne préoccupe pas d’être au milieu de deux femmes. Il n’a même pas l’impression d’en tromper une étant avec une autre. Quand sa femme disparaît, il refait sa vie de la même manière ! C’est un film extrêmement curieux, pervers, d’une violence très dérangeante. Une fable toute douce en apparence avec des enfants, des couleurs, des balades… Ca pourrait être une comédie musicale, très sereine, mais, d’une immoralité dingue. Le film est terrifiant sur la manière dont est considérée la femme, dont les hommes dirigent la vie des femmes comme des objets. Ce qui explique qu’il est considéré comme terriblement féministe ou comme ne l’étant pas du tout !

J’aurais aussi pu prendre Wanda, un superbe film dont Barbara Loden est la réalisatrice et l’actrice principale

Les cinq rôles d’actrices au cinéma qui m’ont éblouie

1- Gena Rowlands dans Une femme sous influence de John Cassavetes (1976)

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Gena Rowland dans Une femme sous influence de John Cassavettes

Je ne suis pas surprenante mais Gena Rowland a marqué tellement d’actrices qu’on ne peut que penser à elle. Elle est extraordinaire. J’aurais pu choisir n’importe quel film de Cassavetes ou celui qu’elle a tourné avec Woody Allen. Rarement, une actrice est parvenue à faire ce qu’elle fait : donner quelque chose de terriblement humain, de proche d’elle, cette impression qu’elle ne joue pas, qu’elle n’a pas de filtre. Elle laisse pantois ! On ne voit pas la limite entre l’actrice et la femme qui déraille, entre l’alcoolique et la femme séduisante ou paumée… Elle transmet quelque chose de l’ordre du vécu sans se protéger. C’est puissant !

2 – Delphine Seyrig dans Jeanne Dielman, 23 quai du commerce 1080 Bruxelles de Chantal Ackerman (1975) 

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Delphine Seyrig est Jeanne Dielman, 23 quai du commerce 1080 Bruxelles de Chantal Ackerman

La performance est elle aussi puissante mais de manière très différente, dans le retrait, dans la finesse. Le travail et la personne ne font qu’un, avec une puissance de jeu, une précision et une délicatesse remarquables. Chez Gena Rowland, c’est l’excès qui fait parvenir à l’intime. Chez Delphine Seyrig, au contraire, ce sont la délicatesse et la réserve, l’économie et la fragilité qui lui donnent une puissance incarnée au possible.

3 – Ingrid Bergman dans Stromboli de Roberto Rossellini (1950)

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Ingrid Bergman dans Stromboli de Roberto Rossellini

Dans ce film, qui m’a fait découvrir Rossellini, la femme essaie de se libérer, et c’est magnifique, même si le film peut avoir vieilli. Dans ces années 1950, Ingrid Bergman amène une vraie modernité dans le jeu. Elle prend des risques, quitte sa carrière à Hollywood pour venir travailler avec Rossellini. Elle fait un chemin et cherchera toute sa vie d’actrice avec une grande curiosité. On sent que c’est une comédienne qui sert les metteurs en scène et leurs projets. Elle a aussi une grâce dans le visage où se lit la traversée du temps. C’est troublant.

4 – Barbara Sukowa dans Les années de plomb  de Margarethe Von Trotta (1982)

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Barbara Sukowa (à droite) dans Les années de plomb de Margarethe von Trotta

A l’époque, j’ai eu un vrai coup de foudre pour l’actrice et le film. J’étais passionnée par ces histoires de Brigades rouges, cette envie de tout foutre en l’air qui était l’obsession de la génération qui me précède. Aujourd’hui, ça paraît ridicule mais cette jeune génération a été traversée par ces questions et ce film ne parle que de ça. Barbara Sukowa y est remarquable. Elle a eu une formidable carrière. Elle a travaillé avec Fassbinder, avec Lars von Trier et à nouveau avec Margarethe von Trotta dans Hannah Arendt. Je l’ai même vue au théâtre à Berlin dans les Trois sœurs. C’est une actrice et une femme dont je suis tombée amoureuse pour l’avoir rencontrée dans ces années-là. Elle me fascinait !

5 – Catherine Deneuve dans Belle de jour de Luis Bunuel (1967)

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Catherine Deneuve dans Belle de jour de Luis Bunuel

Catherine Deneuve est l’actrice idéale. Elle peut jouer dans Belle de jour et reste un mystère durant tout le film. Elle échappe toujours aux catégories. Bunuel la filme comme quelqu’un d’inaccessible et qu’il veut tout le temps abimer, bafouer. Elle résiste tout le temps. Je la trouve fantastique, dans cette force et dans ce qu’elle évoque de désir et de fantasmes charnels, érotiques. Qu’elle exprime la folie chez Polanski, la pureté chez Demy ou même la comédie chez Rappeneau. C’est une comédienne incroyable et complète avec un fort désir de cinéma puisqu’elle continue à faire des films. C’est une bête de cinéma.

© Clément d’Ornellas -Chaz Production – Peripher Filmverleih – Ciné Tamaris
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