Delphine et Carole, insoumuses
Delphine Seyrig et Carole Roussopoulos avaient la vidéo et le féminisme en commun. Delphine et Carole, insoumuses, le documentaire que leur consacre Callisto McNulty revient sur leur engagement joyeux et irrévérencieux pour la cause des femmes. A voir bientôt sur Arte et pendant deux mois sur Arte Replay.
Quand les femmes prennent l’arme de la caméra
Les femmes ont une histoire mais elles ne le savent pas. Elles ne la connaissent pas, insiste Delphine Seyrig dans Delphine et Carole, insoumuses. Ce qui explique que leur lutte est un éternel recommencement, un tonneau des danaïdes. Et malheureusement, c’est toujours le cas aujourd’hui, comme nous le confiait Claire Burger.
Justement, pour revenir sur un pan oublié de cet engagement, Callisto McNulty a repris un projet initié par sa grand-mère, Carole Roussopoulous : revenir sur l’amitié qui la liait à l’actrice Delphine Seyrig et à ce qu’elles ont réalisé ensemble. Et c’est réjouissant !
La vidéo, outil d’émancipation
Elles se rencontrent grâce à un nouvel objet technologique : la caméra vidéo. Carole Roussopoulos a été la deuxième personne en France à en acheter une, après Jean-Luc Godard.
Très vite, elle organise des ateliers pour s’y former. Delphine Seyrig y participe, scellant ainsi une amitié forte qui les mènera au bout du monde.
La vidéo est souple et facile d’utilisation. Elle permet toutes les audaces. Delphine Seyrig et Carole Roussopoulos ne s’en privent pas. Elles vont s’en servir de manière iconoclaste pour revendiquer leur place dans la société et pour donner la parole aux femmes. A toutes les femmes.
Elles sont sur tous les coups. Elles suivent les manifestations du MLF. Elles se filment, en plan fixe, en lisant des manifestes féministes, comme SCUM Manifesto 1967. Elles contestent l’année de la femme en 1975. Elles se moquent l’absence de courage de la ministre des droits des femmes face à misogynie dans Maso et Miso vont en bateau.
Des témoignages réjouissants
En 1976, Delphine Seyrig et Carole Roussopoulos partent ensemble aux Etats-Unis notamment, à la rencontre d’actrices et récoltent leurs impressions et témoignages sur la manière dont le milieu du cinéma les traite. Cela donne le documentaire Sois belle et tais-toi qui sortira en 1981.
A partir de cette histoire, d’extraits de ces films ou de ceux dans lesquels l’actrice Delphine Seyrig joue, d’images d’actualité, d’interviews, Callisto McNulty bâtit un documentaire passionnant. Il est le témoignage d’une audace réjouissante dans une époque ouverte et créative. L’irrévérence et l’intelligence de Delphine Seyrig y sont mis en avant, tout comme l’amitié forte et joyeuse qui l’unissait à Carole Roussopoulous.
Delphine et Carole, insoumuses et libres
Leurs interventions sont drôles, pertinentes, judicieuses. Elles ne minimisent pourtant jamais le prix à payer pour celles qui s’engagent.
En écho, on ne peut dresser le constat que l’on revient de loin, tant la misogynie de l’époque était forte et décomplexée. Leur engagement et leur impertinence n’en sont que plus importants, jusqu’à devenir une inspiration pour tous les mouvements actuels.
Comme le conseillait Delphine Seyrig, quelques soixante dix ans après Alice Guy, « il est important que les femmes commencent à se montrer elles-mêmes ». C’est-à-dire à s’emparer des moyens technologiques – le cinéma ou la vidéo -. Ils leur permettent de prendre la parole et de se monter telles qu’elles sont, telles qu’elles se voient et non plus comme les hommes les voient. Pour enfin raconter la vie de leur point de vue à elles.