Les oiseaux de passage
Les oiseaux de passage, le film de Cristina Gallego et Ciro Guerra revient sur les débuts des cartels de la drogue en Colombie. Cette saga familiale tragique fait l’ouverture de la 50e Quinzaine des Réalisateurs.
Avant Escobar
A en croire Cristina Gallego et Ciro Guerra, les cartels de la drogue seraient nés un peu par hasard. C’est du moins le cas de celui qu’ils filment, mis en place par une tribu Wayuu et qui ira ainsi à sa perte.
Il a suffi d’une fiancée convoitée pour qu’un incroyable trafic de drogue naisse entre la Colombie et les Etats-Unis. Un homme d’un clan voisin (un cousin?) assiste au rite d’initiation d’une jeune Wayuu et décide qu’il l’épousera. La mère de la jeune femme, qui règne sur sa famille, lui accorde la main de sa fille contre une dote colossale.
Bien mal acquis ne profite jamais
Mais, Rafa est motivé. Avec son copain Moise, il tombe un jour sur une bande de hippies américains qui cherchent de la marijuana. Il s’engage à les fournir. La demande explose. Un trafic nait, très rémunérateur pour toute la filière. Rafa obtient alors la main de sa belle. Il met aussi le bras tout entier dans un engrenage qui l’enrichit, le rend puissant. Pourtant, cela va à l’encontre des valeurs humaines en cours chez les Wayuu : le respect de la vie, des autres, de l’amitié, de la parole donnée… bref d’un code d’honneur fort qu’il solde devant une quête de puissance et d’argent.
Enfermé dans une spirale qui le pousse à prendre des décisions radicales, Rafa découvre un peu tard que « bien mal acquis ne profite jamais ». Et constate de manière brutale et tragique le lourd tribu qu’il aura à payer pour avoir tenter de s’affranchir des règles et ainsi heurter la puissance des esprits.
Des oiseaux de passage trop symboliques
Filmé comme un western, mais du point de vue des Indigènes, cette saga familiale et sanglante est superbement mise en scène. Profitant de paysages magnifiques, désertiques et d’une jungle foisonnante, les deux réalisateurs manient avec dextérité l’opposition constante entre le vide vertueux et l’opulence vicieuse.
Les rites et coutumes, la somptuosité des costumes sont aussi traités avec grâce par une caméra généreuse. Mais c’est le cadrage des plans qui est le plus remarquable. Si le propos général est clair, en revanche, la tradition Wayuu, sur laquelle ils s’attardent longuement, est nettement plus absconse. D’autant plus qu’elle repose largement sur un symbolisme qui n’est jamais expliqué et qui hante littéralement le récit.
Plus que quelques scènes, plusieurs plans s’impriment pour toujours : cette maison somptueuse, isolée au milieu du désert; l’autorité de la chef de plan, la solitude mutique de Rafa dans son fauteuil rococo… Un symbole de sa future décadence.
De Cristina Gallego et Ciro Guerra, avec Carmiña Martínez, Jhon Narváez, José Acosta, José Vicente Cotes, Juan Martínez, Natalia Reyes…
2018 – Colombie – 2h05
Les oiseaux de passage de Cristina Gallego et Ciro Guerra ont présentés été en ouverture de la 50e édition de la Quinzaine des Réalisateurs. Le film a reçu l’Abrazo du meilleur film au 27e Festival Biarritz Amérique Latine. Sa sortie en France est prévue le 10 avril 2019.