Ma fille (Figlia Mia)
Trois ans après Vierge sous serment, Laura Bispuri revient en compétition à la Berlinale 2018 avec Figlia mia (Ma fille), un film intransigeant sur la maternité. Sortie le 27 juin 2018.
Mère dans tous ses états
Dans un village de pêcheurs sarde, deux femmes que tout oppose semblent réunies par un pacte autour d’une enfant. Angelica mène une vie dissolue et habite seule avec ses dettes et ses animaux dans une bâtisse isolée. Tina, elle, élève sa fille Vittoria avec amour et dans la tradition italienne de l’église et de l’enfant-roi.
Un jour, Angelica demande à voir la petite. Tina hésite puis finit par accepter. Pour toutes trois, ce sera le début d’une nouvelle vie hantée ou peut-être libérée du passé.
La maternité en question
Laura Bispuri explore un continent mal traité du cinéma italien et pourtant un rouage essentiel à sa société : la place de la mère. Quand est-on mère? Quels droits a-t-on et quels devoirs? Et qui décide qui est la mère ? Et comment s’exprime ce sentiment maternel ?
En se limitant à trois personnages, tous féminins, la réalisatrice italienne a bâti une histoire serrée, tenue qu’elle filme sans s’attarder sur les extérieurs. Rares sont les plans larges, les déambulations dans le paysage. Elle cadre ses femmes au plus près pour les confronter à cette histoire malsaine et étouffante.
Figlia mia, duel de mères
Plus que l’enjeu qu’on saisit vite, ce sont les réactions de ses personnages qui intéressent la cinéaste. L’hyperbole affective de la mère dévorante s’oppose à l’audace, la liberté et la force qu’apportent l’irresponsabilité et l’égoïsme immature. Entre les deux, toutes les nuances de la maternité existent, mais pas dans ce duel féminin.
Mais, plus que la définition des mères parfois trop caricaturales, ce sont les interprètes qui sont épatantes. Alba Rohrwacher, en parvenant à donner autant de dignité à la débauche de son personnage, est une sérieuse prétendante à l’Ours d’argent d’interprétation féminine. Elle brille dans les scènes sordides avec une facilité déconcertante, puis capte aussi tôt la lumière de scènes plus solaires. Celle de la chanson dans la voiture par exemple ou de la dispute après le refus de Vittoria de se faufiler dans le trou sous la terre resteront dans les mémoires.
Survivre aux erreurs du passé
Valérie Golino, qui lui fait face, réussit elle à retenir la folie affective qui lui dévore littéralement les tripes. Elle parvient toutefois à toujours rester sur le fil , même qaund la douleur devient trop intense. A elles d’eux, elles parviennent à sauver leurs personnages de la caricature dans laquelle ils menaçaient de tomber. Elles sont aidées en cela par la jeune Sara Casu qui campe une Vittoria timide mais solaire, partagée entre ses émotions et sa raison.
En se bornant à évoquer les raisons profondes de ce pacte, Laura Bispuri évite d’expliquer le passé pour ne s’intéresser qu’aux conséquences de ce serment boiteux. La réalisatrice confronte les formes extrêmes de cette maternité non conventionnelle. Elle interroge ces femmes sans jamais les juger et questionne d’une nouvelle manière un sujet, un sentiment éminemment féminin et universel. En deux films, Laura Bispuri revendique un point de vue original et s’invite comme une des réalisatrices européennes, interrogeant l’identité féminine, des plus prometteuses.
De Laura Bispuri, avec Valeria Golino, Alba Rohrwacher, Sara Casu…
2018 – Italie – 1h40
© Vivo film / Colorado Film / Match Factory Productions / Bord Cadre Films / Valerio Bispuri
Berlinale 2018 - Jour 2 - Cine Woman
23 février 2018 @ 10 h 26 min
[…] est temps de rejoindre le Berliner Palast où a lieu la première mondiale de Figlia Mia, le deuxième film de Laura […]
simonpierre.friz
10 août 2018 @ 11 h 43 min
Bonjour, je trouve que ton article sur le film dramatique « Ma fille » est très pertinent. Je pense que tu as bien mis les points importants de ce long-métrage en avant. Il se trouve aussi que j’ai beaucoup apprécié la prestation de Valeria Golino dans ce film.