Jusqu’à la garde
Dans son premier film, Jusqu’à la garde, Xavier Legrand ausculte les conséquences d’un divorce difficile, refusé par le mari. Avec une précision chirurgicale, il filme l’enchainement d’événements qui entraîneront cette famille… jusqu’à la garde justement.
Violences conjugales
Le divorce avait déjà été difficile. Du coup, Miriam avait démissionné et s’était éloigné de son ex-mari. Elle avait cru se protéger en retournant vivre chez ses parents, avec ses enfants. Mais Antoine, l’ex-mari, a demandé sa mutation. Une fois obtenue, c’est la garde de son fils qu’il comptait bien récupérer.
Les voilà donc à nouveau dans le bureau du juge pour tenter de s’entendre à défaut de pouvoir s’écouter. Julien, leur fils, a écrit une lettre dans laquelle il prétend ne plus vouloir voir « l’autre », ce père accusé d’être violent.
Jusqu’à la garde alternée
Il le faudra car devant le quasi-mutisme de la mère et l’injustice qu’Antoine crie, la juge décide que le fils doit voir son père. Commence une longue descente aux enfers dans l’intimité d’une famille qui a explosé. La mère tente de se reconstruire. La fille aînée est relativement épargnée puisque majeure.
Mais, Julien, 10 ans, est pris étau entre ses deux parents. Acquis à sa mère et à sa sœur qui lui assurent affection et quotidien, il devient soumis à l’autorité irrationnelle et irresponsable d’un père qui l’utilise pour faire payer à sa femme son départ du foyer.
Jusqu’à la corde
On ne vous dira pas comment cela finit même si c’est couru d’avance. Ce film, cruellement réaliste, ne fait aucune concession. Il décrit au scalpel (et sans aucune malice) l’enchaînement d’événements qui aboutiront à la situation finale , forcément éprouvante. Sans que jamais la caméra soit déplacée ou impudique.
La tension monte ainsi, peu à peu, à la faveur de la peur de moins en moins contenue qui envahit le jeu de Léa Drucker. Plus elle essaie d’être forte, plus elle est attaquée et vulnérable, malgré elle. Comme enfermée dans une spirale dont elle ne tente de se sortir que par la loyauté, la discussion quand les armes de son mari sont des pulsions irrationnelles.
Jusqu’à la mort
Cas d’école basé sur une tonne de faits divers – ceux des violences conjugales qui mènent tous les trois jours à un féminicide en France, Jusqu’à la garde est un film nécessaire et réussi. Un témoignage indispensable sur un sujet capital pourtant ignoré du cinéma.
Et pour le rendre plus fort et pertinent, Xavier Legrand règle sa mise en scène à l’économie, évitant ainsi tout pathos et tout effet de manche. On suit cette spirale vers l’enfer en sachant avant ses personnages ce qui va se passer. Ce qui renforce encore la tension et l’attention.
Jusqu’au sang
Xavier Legrand signe ici un premier film tendu comme un arc. Léa Drucker et Denis Ménochet l’interprètent de manière très subtil. Leur opposition est renforcée par leur différence physique : il l’écrase, elle est terrifiée. On a beaucoup parler de l’humanité que parvient à donner Ménochet à son personnage brutal. Il faut aussi insister sur la tension rentrée, sur la peur croissante qui la fige jusque dans ses gestes, de Léa Drucker.
Enfin, saluons l’impressionnant et tout jeune Thomas Gioria (Julien) qui parvient à montrer autant de détermination que frousse rentrée face à ce père ingérable. Éprouvant, glaçant mais indispensable.
De Xavier Legrand, avec Léa Drucker, Denis Ménochet, Thomas Gioria, Mathilde Auveneux…
2017 – France – 1h33
Jusqu’à la garde de Xavier Legrand a reçu le Lion d’argent du meilleur réalisateur et le Lion futur du meilleur premier film au Festival de Venise 2017.