Cine Woman

3 coeurs

Charlotte Gainsbourg et Chiara Mastroianni

Dans 3 coeurs, centré sur 3 femmes liées par le sang et un homme, Benoît Jacquot filme la passion comme une bombe à retardement. Tentant.

3 DAMES DE CŒUR(S)

Une ville. La nuit. Marc rate son train et échoue dans un café. Il rencontre Sylvie. Ils ne savent rien l’un de l’autre, pas même leur prénom, s’attirent mais se ratent. Le temps passe et Marc tombe de nouveau amoureux. De Sophie, la sœur de Sylvie…

1 mère et 2 filles

Au commencement, il y a 3 cœurs. Trois dames dont le cœur bat à l’unisson : la mère et ses deux filles. D’évidence, la relation des deux soeurs dépasse les liens du sang. Dans une même harmonie, elles confessent toutes deux que l’une « est la personne qui compte le plus pour l’autre ».

Charlotte Gainsbourg (Sylvie et Chiara Mastroianni (Sophie)

Alors quand Sylvie décide de s’installer aux Etats-Unis, elles sont désemparées. Premier déchirement. Premiers cœurs blessés. Sophie doit désormais gérer la boutique d’antiquaire seule. Amputée d’une partie d’elle-même, elle rencontre un contrôleur fiscal, Marc, qui dit aimer « son métier parce qu’on y fait des rencontres. Il arrive même qu’on y rencontre des femmes et qu’on en tombe amoureux »…

3 coeurs, un amour à suspense

L’une des grandes forces de la réalisation de Benoît Jacquot est d’échapper aux poncifs du mélodrame larmoyant avec longues scènes d’amour charnel interdites et sanglots sur musique dépressive. Lui filme la passion comme une bombe à retardement :  les palpitations du héros sont autant d’indices d’une inévitable implosion.

Charlotte Gainsbourg (Sylvie) et Benoît Poelvoorde (Marc)

Et comme dans un thriller, le spectateur se saisit des signes avant le protagoniste : la voix off s’insinue comme un battement sourd et la musique vient sonner le glas du drame qui se joue et dont on connait déjà l’issue.

Des femmes, 1 homme

Benoît Jacquot, cinéaste habitué à dresser des portraits de femmes, prend dans 3 coeurs, un homme en étau. Et montre un Benoît Poelvoorde, raidi de souffrance et de majesté se débattre avec d’aplomb, contenir sa folie.

Benoît Poelvoorde (Marc) et Chiara Mastroianni (Sophie)

A de nombreuses reprises, c’est par lui que la dimension pathétique et sournoise du sentiment amoureux surgit : lorsqu’il choisit sans le savoir le miroir que Sylvie avait acheté en salle des ventes et dans lequel il se mire inconsciemment comme dans la « stèle funèbre » de sa passion ou lorsqu’il effectue, avec acharnement, un contrôle fiscal du maire de la ville, tentant ainsi de se racheter une morale.

Problèmes de cœur

Ce qui est singulier, c’est que la souffrance intérieure est montrée dans ses formes somatiques. La passion n’apparait ni glorifiée ni désirable : les étreintes entre Marc et Sylvie sont muettes et déchirantes, presque malheureuses, volontairement maintenues dans l’ombre. Les battements du cœur s’accordent souvent avec les tourments de l’âme mais c’est le corps qui souffre en premier. Le cœur est ramené par les problèmes cardiaques de Marc, à sa pure fonction d’organe. Tout repose d’ailleurs sur des indices de lutte physique : le souffle, la main, le geste, le regard, la fuite. Il n’y a pas de litanies de la douleur. Au mieux, une main qui tremble. Un cœur qui ne bat plus.

Chiara Mastroianni (Sophie), Catherine Deneuve (la mère) et Charlotte Gainsbourg (Sylvie)

Le film est d’ailleurs moins un film d’amour qu’un film sur l’amour filial et fraternel. Sur l’abnégation et le sacrifice au nom des liens du sang. De toute évidence, la vraie beauté du film vient du trio féminin. L’éclat fugace de Charlotte Gainsbourg, inaccessible fantôme d’amour perdu. La bienveillance de Catherine Deneuve. Mais le bijou dans l’écrin, c’est Chiara Mastroianni. De son visage émane toute la lumière du film. Elle est le pivot sur lequel s’appuient les trois triangles, familiaux et amoureux. Sans conteste, la dame de cœur, c’est elle.

De Benoît Jacquot, avec Catherine Deneuve, Charlotte Gainsbourg, Chiara Mastroianni, Benoît Poelvoorde…

2014 – France – 1h46

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